Il y a des effets pervers dans les aboutissants de l'expansionnisme économique des multinationales. Leur logique conquérante exhibe bien leur détermination à se substituer, partout où elles arrivent à s'installer, aux activités économiques locales, qu'elles soient de production d'industrie ou de services ; ce qui, en soi, ne présente aucune contradiction avec la stratégie d'hégémonisme économique qu'elles prônent. Aujourd'hui, le système de l'économie multinationale semble être arrivé à un stade accompli, avec le triomphe de l'économie mondialisée aux dépens de modèles moins agressifs. Le système multinational est devenu la référence à l'aune de laquelle toute économie se disant ouverte sur le monde doit définir ses enjeux stratégiques, mesurer ses contraintes, élaborer son listing inépuisable de concessions ruineuses et se préparer à une logique de survie sans perspectives de dépassement ou d'émergence. C'est qu'il y a eu un travail au corps, tout au long de plusieurs décennies d'ingérence, de la part des multinationales dans les politiques nationales des pays sous-développés ou en voie hypothétique de développement, au point de faire le lit du contexte mondialisé de l'économie, que nous connaissons aujourd'hui, et au point également où certains agissements de multinationales, qui s'apparentent à une mise à sac des richesses nationales –autrefois dénoncée et décriée– apparaissent comme entrant dans l'ordre des choses. C'est là où on en vient à situer les effets pervers. Une multinationale, comme son nom l'indique, est une entité qui acquiert, au fur et à mesure de son expansion, des nationalités différentes, sans en perdre aucune. Mais voilà, il faut ajouter à cette définition une autre, encore inavouée, à savoir qu'une multinationale est une entité qui s'habille de nationalités différentes pour saigner les pays où elles s'implantent au profit de l'économie qui lui a donné le jour. Un monstre avec l'apparence de plusieurs têtes, mais qui n'en a en réalité qu'une seule, et qui, d'ailleurs, n'hésite pas à en couper quelques-unes lorsque la survie de la première est en jeu. Jusque-là rien d'anormal dans le contexte cynique où évolue l'économie mondiale. Mais que dire du phénomène financier de vases communicants à sens unique ? C'est cela qui explique qu'en temps de crise on se met à fermer, licencier, mais jamais, par temps de prospérité qui affecte le «centre», on n'a l'air de croire nécessaire d'imprégner de la même embellie les destins de centaines de milliers de travailleurs qu'on exploite de par le monde. C'est la condition de ce qui s'est constitué comme multinationale.