Javier Solana, le diplomate en chef de l'Union européenne, et les représentants des «six» (cinq membres permanents du Conseil de sécurité, plus l'Allemagne) tenteront aujourd'hui, à Genève, de reprendre avec Saïd Jalili le chef du dossier nucléaire iranien, les négociations après 14 mois d'ignorance et de défiance, même si les dialogues informels n'ont jamais cessé. Après la découverte d'un nouveau site nucléaire «clandestin» près de Téhéran suivie de nouveaux tirs de missiles et la multiplication des discours de fermeté occidentaux accusant l'Iran de suivre une stratégie de «dérobade», les discussions s'annoncent au mieux tendues sinon vouées à l'échec. «L'Iran qui a révélé le 25 septembre, l'existence d'un deuxième site d'enrichissement d'uranium et non le jour où il a décidé de commencer sa construction, est du mauvais côté de la loi», déclare Mohamed El Baradei, le directeur général sortant de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), en appoint aux commentaires du groupe des « six » sur cette nouvelle usine, demandes d'accès au site «le plus tôt possible» pour les inspecteurs de l'Agence et propos pessimistes de Solana qui présentera à Jalili le même «paquet» que l'an dernier (droit de l'Iran d'utiliser la technologie nucléaire à des fins pacifiques, amélioration des relations diplomatiques entre l'Iran, l'UE et les Etats-Unis, aide économique et partenariat énergétique) pour « tester» les intentions réelles de Téhéran. Selon le responsable de la diplomatie européenne, «il sera difficile d'obtenir des garanties sur la nature pacifique du programme nucléaire iranie ». Dans ce bras de fer qui pourrait menacer dans le monde - les Occidentaux ont remis sur la table l'option militaire si des éventuelles sanctions touchant l'industrie pétrolière et gazière, n'ont pas de résultat -, même M. Ban, le secrétaire général des Nations unies, est entré en jeu maladroitement. «Il revient à l'Iran de prouver que son programme n'a pas de dimension militaire», dit-il alors que l'AIEA qui enquête sur place depuis des années n'est pas en mesure de conclure à l'existence d'un programme nucléaire militaire ! Contre toute attente des « six », l'Iran ne se place pas sur la défensive. Mahmoud Ahmadinejad affirme que son pays sortira sans dommages des discussions de Genève. «Les négociateurs peuvent adopter la politique qu'ils veulent, mais cela ne nous causera aucun dommage», dit-il ajoutant que son pays qui «s'est préparé à toutes les situations» et a appris à « se remettre sur pied et à tourner toute situation en sa faveur ». Il suggère aux Américains, Français, Britanniques et Allemands de saisir les discussions de Genève comme une «occasion exceptionnelle pour rectifier leur façon de traiter avec les autres nations du monde» et de prendre acte de l'intention du négociateur iranien, d'aborder de manière «positive» le rendez-vous de Genève. Y compris sur le controversé nouveau site, situé près de la ville sainte de Qom au sud de Téhéran. Il sera placé sous la supervision de l'Agence après les inspections. Précision des Iraniens qui seraient prêts à discuter de questions de sécurité au Moyen-Orient : aucune remise en cause de leur droit à enrichir de l'uranium n'est à envisager «ne serait-ce qu'une seconde», même s'il faut qu'ils sortent du traité de non-prolifération nucléaire. «L'Iran ne renoncera jamais à son droit de développer la technologie nucléaire civile», répètent régulièrement ses responsables qui se souviennent comme le reste du monde des accusations dont faisait l'objet l'Irak en 2002 à propos de ses armes de destruction massive. Comme il y a 7 ans, une éventuelle perte de l'actuelle domination économique et politique sur le Moyen-Orient donne du tournis aux Américains et Européens : maîtrisant le nucléaire, l'Iran pourrait devenir une «forteresse inattaquable» et soutenir sans risque les forces opposées aux intérêts occidentaux et israéliens dans la région.