Photo : Lylia.M L'avant-projet du statut des avocats suscite la colère du bâtonnat. «Si l'avant-projet du statut des avocats est maintenu, la justice sera mains et poings liés», déplore maître Nora Ould Hocine Chelli, rencontrée au tribunal d'Alger. D'où notre décision, dit-elle, d'interpeller le premier magistrat du pays, Abdelaziz Bouteflika, pour le retrait carrément de cet avant projet de loi. «Cette revendication émane essentiellement des jeunes avocats qui voient en ce projet une régression en matière de leurs droits les plus élémentaires et une menace sur l'exercice de leur profession», explique-t-elle. «Cet avant-projet concrétise l'emprise de l'autorité exécutive sur la profession d'avocat», renchérit le bâtonnier de l'Ordre d'Alger, Abdelmadjid Silini. «Nous ne pouvons pas interpréter cela autrement quand nous avons devant nous des articles qui exigent que les décisions de la commission mixte de la Cour suprême, du Conseil de l'Union des bâtonniers et de leurs assemblées générales ainsi que de tous les Ordres des avocats régionaux soient soumis à la censure du ministère de la Justice. Au fait, il s'agit, par ce projet, de «mater» la profession et non de l'organiser, estime-t-il. «Comment un avocat peut-il faire correctement son travail, servir en mieux les intérêts des citoyens s'il subit toutes sortes de pressions morales ? Comment peut-il assumer ses fonctions en toute liberté s'il dépend du bon vouloir de la tutelle ? Car par ce projet, un avocat n'aura plus le droit d'interrompre un procès quand il y a dérive, ne peut plus se retirer s'il estime que le procès en question est une mascarade. Par ailleurs, dans cet avant-projet de loi, l'avocat est coupable jusqu'à preuve du contraire. En cas d'incidents mineurs, comme laisser son téléphone portable allumé par exemple, l'avocat peut être suspendu et interdit de plaidoirie devant les instances où a lieu l'incident. LES BÂTONNIERS COUPABLES D'OMISSIONS Autre grief contre cet avant-projet : l'exigence faite aux avocats de la cour d'avoir 11 ans d'expérience au minimum pour pouvoir plaider. «Ce qui est injuste ! Nous avons de jeunes avocats qui sont très doués, plus doués que certains avocats anciens. Nous avons certes, besoin de l'expérience des anciens, mais il est indispensable de rafraîchir la profession par des talents jeunes», note Me Nora Ould Hocine Chelli. Celle-ci reconnaît que si dans la loi actuelle, il y a des acquis, des amendements doivent y être apportés, notamment en ce qui concerne la limitation de mandat au sein des bâtonnats pour favoriser l'égalité des chances. Et justement sur ce dernier point, cinq bâtonnats sur les 15 existants sur le territoire national sont contre cet avant-projet de loi, fait savoir, maître Zeraïa Khemissi, membre de la commission de l'Ordre d'Alger. Il s'agit des bâtonniers de Sétif, Tlemcen, Alger, Tizi-Ouzou et Bejaia. «Il faut savoir aussi que ce sont les bâtonniers qui nous ont représentés dans les consultations pour l'élaboration de ce projet. Sauf qu'ils ont omis de consulter au préalable les avocats. En conséquence, cet avant-projet de loi a été élaboré sans l'avis des avocats alors qu'ils sont les premiers concernés», explique-t-il. Toujours dans le même contexte, le bâtonnier d'Alger indique que le ministère de la Justice devait se réunir avec les représentants des avocats avant que l'avant-projet ne soit mis sur la table de la commission juridique, mais la réunion promise n'a eu lieu qu'après le dépôt de ce projet au niveau de cette commission. «Nous revendiquons le retrait ou le gel de cet avant-projet, car il est en contradiction avec les droits internationaux. Nous voudrions aussi que le traitement de ce dossier soit reporté jusqu'après les réformes constitutionnelles», signale maître Silini en affirmant que la journée de protestation du barreau d'Alger à la cour d'Alger est maintenue pour mercredi prochain.