C'est aujourd'hui que le Sud-Soudan sera proclamé 54e Etat africain. Après cinq décennies de conflit avec le Nord, les quelque 8,5 millions de Sud-Soudanais auront leur pays, avec Juba comme capitale. La cérémonie de proclamation de ce nouveau pays notera la présence de 30 dirigeants africains, dont le président soudanais Omar El Bachir, en tant qu'invité d'honneur, du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki Moon et de hauts responsables d'autres pays. Au programme des célébrations, organisées au mausolée de John Garang-leader de la rébellion sudiste-à Juba, des parades militaires, des danses traditionnelles, une cérémonie pour hisser le drapeau de la République du Sud-Soudan et la signature de la Constitution transitoire par le premier président du pays, Salva Kiir. Auparavant, parlant au nom de la population sud-soudanaise, le ministre de l'Information Barnaba Marial Benjamin, a soutenu que «ce sera une occasion historique pour tout notre peuple qui a traversé cette route longue et difficile en vue de la naissance de cette nation». «Nous savons tous que nous allons faire face à plusieurs défis. Nous y ferons face unis, en paix et indépendants et nous construirons un pays stable et prospère», a-t-il déclaré. Mais la plus jeune nation du monde doit surmonter sa santé fragile et trouver les solutions pour redresser la barre. Avec une situation politique des plus instables, une économie à l'agonie, un secteur social à la traite, le nouveau gouvernement de Salva Kiir est appelé à trouver le bon schéma pour relever ses indicateurs, qui font de la région l'une des plus défavorisées de la planète. Il pourrait, néanmoins compter sur son or noir et ses richesses minières, notamment l'uranium, pour remonter la pente. Effectivement, trois quarts des 470.000 barils produits chaque jour par le Soudan proviennent du Sud. Le potentiel agricole, non exploité jusqu'à présent à cause des guerres, sera un autre atout à valoriser. Mais l'épée de Damoclès reste suspendue au-dessus de la tête de M. Kiir et son cabinet. Il n'a toujours pas trouvé la parade pour régler les dossiers épineux avec le président soudanais Omar El Bachir. KHARTOUM FRAGILISE Le Soudan sera nettement fragilisé par cette sécession, étant donné que la plus grande partie des richesses se trouve au Sud, et l'enclave d'Abyei, de par ses ressources hydriques, se trouve au centre des divergences entre les deux parties qui n'arrivent toujours pas à mettre sur pied un accord final sur la restructuration du secteur pétrolier au Soudan. Khartoum a même menacé Juba de la priver de l'utilisation de ses infrastructures pétrolières si un accord n'est pas conclu avant la sécession. L'Union africaine et l'Autorité intergouvernementale pour le développement en Afrique de l'est (IGAD) ont, toutefois, annoncé ce week-end que les cabinets d'El Bachir et de Kiir ont accepté de poursuivre les négociations après la sécession. Le Kordofan-Sud, territoire également frontalier, est depuis plus d'un mois, en proie à de violents affrontements entre les forces nordistes et la branche nordiste de la SPLM (Mouvement populaire de libération du Soudan, ex-rebelles sudistes). Hier, le président El-Béchir a ordonné à l'armée de poursuivre ses opérations jusqu'à ce que ce territoire, le seul Etat pétrolier du Nord, soit «nettoyé des rebelles». Les rebelles du Darfour sont également montés au créneau. Hier, un chef historique de la rébellion en exil à Nairobi, Abdelwahid Mohammed Nour, a promis de «libérer le Nord-Soudan et créer un Etat libéral, laïque et démocratique (...) semblable au Sud-Soudan». Sur le plan économique, le Soudan perdra 37% de ses revenus. Cela suscite d'autant plus d'inquiétudes à Khartoum que la dette publique s'élève à 38 milliards de dollars, que l'inflation est galopante et que les sanctions américaines pèsent sur l'économie du pays. Mais Omar El Béchir prépare son échiquier pour le nouveau Soudan. Sa visite officielle la semaine dernière en Chine, où il s'est entretenu avec son homologue Hu Jintao, a démontré que le pays a des alliés puissants et a renforcé ses liens avec son premier partenaire commercial.