A Oran (tout comme ailleurs dans les grandes agglomérations du pays), il est de plus en plus «tendance» de rencontrer des jeunes hommes et des jeunes femmes, luxueuses laisses en main, en train de promener, avec ostentation, des chiens «sur leur trente et un», à travers les principales artères de la ville. Le fameux caniche de cheb Khaled aura fait de nombreux émules… Bergers allemands, chiens loups, bouledogues, rottweiler, pit-bull et autres chihuahua, sont les nouveaux coups de cœur de la jeunesse dorée algérienne qui, lassée des belles voitures et des gadgets inouïs, se tourne désormais vers l'élevage canin pour assouvir ces folles envies de découvrir d'autres créneaux pour meubler son temps vide. Ces chiens ont des noms de stars du cinéma, de la chanson ou de la télé. Ils vivent dans un luxe cinq étoiles. Ils mangent tous les jours que Dieu fait de la bonne et tendre viande, se font doucher avec des savons hors de prix et se font même faire des piercings aux oreilles et dans le nez. Ces heureux chiens qui sont les nouveaux hobbies de la petite bourgeoisie algérienne, sont chouchoutés et gâtés à l'envie par leurs jeunes maîtres oisifs mais bourrés de fric. Ces nouveaux hobbies de la jeune couche bourgeoise sont même devenus, pour certains, une véritable source d'argent puisqu'ils en ont fait un métier, parfois très lucratif. A Oran, il existe en bas du mythique quartier de M'dina J'dida, tout un marché, qui se tient tous les vendredis où l'on vend, achète, échange clebs et autres caniches. Tout comme celui de l'automobile ou des téléphones portables. On y vient, parfois, tout simplement pour le «fun», c'est-à-dire, pour saliver sur des races de chiens que l'on ne voit qu'à la télé. Un cynophile, les cheveux longs et broussailleux, portant une barbe à la «Che», fait pour nos lecteurs, le tour de la question de cet élevage pas comme les autres : «Le marché cynophile est devenu une vraie activité lucrative. Il a ses piliers, ses rabatteurs, ses courtiers. Dans ce microcosme, presque tout le monde connaît tout le monde. Il y a les potentiels acheteurs qui savent où et à qui s'adresser pour commander, parfois un à deux mois à l'avance, la bête de leur désir. Ceux qui paient mieux sont choyés. Les autres sont tolérés, car c'est une activité nouvelle qui réunit les amoureux et les commerçants de la race canine. C'est aussi un métier passionnant pour ceux qui aiment les chiens ou qui en font leurs gagne-pain. Il y a ceux qui veulent acquérir tel chien pour leur sécurité et il y'a, de plus en plus, ceux et celles qui en usent comme animal de compagnie, pour l'agrément ou encore pour faire comme telle star de cinéma ou tel chanteur connu…». Tout comme en Europe, les cynophiles locaux ont leurs sites, leurs forums de discussion et d'échanges, leurs clubs, leurs petites annonces… LE ROTTWEILER DE BRAD PITT OU LE CHIHUAHUA D'ANGELINA JOLIE… Un habitué de ce marché nous explique les non-dits de cet élevage qui fait courir tant de garçons et de filles qui ne savent quoi faire de leur argent de poche : «Il faut d'abord que je vous dise que si j'aime beaucoup les chiens, il se trouve, cependant, que je ne les élève que pour les vendre. C'est un métier comme un autre qui a ses avantages et ses inconvénients. C'est surtout un métier qui demande beaucoup de connaissances sur l'activité et l'élevage cynophiles. En ce qui me concerne, je me documente beaucoup en surfant sur Internet et en suivant les émissions de télévision sur la question. Il m'est arrivé, quelquefois, d'acheter des livres pour être à jour». Notre interlocuteur nous confie que les prix des chiens varient d'une race à une autre, d'un pedigree à un autre : «Certains Bergers allemands, mais alors de vrais spécimens, se sont vendus au prix de voitures neuves. Je connais quelqu'un qui a vendu le sien, un berger de race, à une famille d'Alger au prix de quatre-vingts bâtons. Pour le moment, cette cession reste une référence pour les différents éleveurs et autres «courtiers». Les chiens de race, au pedigree avéré, digne clebs de leur mère et de leur père, rares descendants d'une lignée recherchée, sont cédés à 10, 15, voire 20 millions pièce. Comme les chevaux de race. Mieux parfois. Les fils et filles à leurs papas ne lésinent pas beaucoup sur les moyens pour s'offrir le Rottweiler de Brad Pitt ou le Chihuahua d'Angélina Jolie. Les nouveaux coups de cœur font mal aux porte-monnaie mais ne dit-on pas que celui qui aime ne compte pas ? Pour ce qui le concerne, notre interlocuteur dit : «Je ne fais qu'acheter et revendre, cela me permet de gagner ma vie. C'est exactement comme pour les voitures. Parfois, ça baisse, d'autres fois, c'est en hausse, mais l'un dans l'autre, tout le monde trouve son compte, une fois que tous les frais sont amortis… !». Signes des temps, le chien local, dit Arabe, ce séculaire compagnon des bergers et autres montagnards de l'Algérie profonde, n'a aucune voix au chapitre. A peine si des Chinois en quête d'exotisme se l'offrent, comme cela se passe régulièrement dans les contrées où ces Asiatiques construisent des routes et des immeubles pour l'Algérie de demain, pour améliorer l'ordinaire. Contre trois cents minables dinars seulement. Comme quoi, tout ce qui est né chez nous… !
