Le fleuve «maudit» d'El Harrach continue de traîner une longue histoire aux odeurs nauséabondes. Les riverains de ce cours d'eau, envasé jusqu'au lit, se réveillent chaque matin sous la terrible sentence environnementale des eaux usées. On leur attribue tous les maux de cette catastrophe écologique. Prendre pied à Maison Carrée n'a toujours pas été chose facile. Pourtant, la commune la plus riche tient du devenir de ce oued qui coule depuis la nuit des temps. C'est dans le fumier que pousse la plus belle fleur. Il ne se passe pas un jour sans les dividendes engrangés par les activités commerciales qui font d'El Harrach la commune la plus nantie. S'il y avait à revisiter l'histoire, on remontera le temps pour retrouver cette paisible voie navigable où il faisait bon vivre. Il y avait, paraît t-il, de quoi ravitailler la population d'Alger en poisson. C'était le temps des écolos, une magnifique commune qui tirait ses substances de ce fleuve jamais pollué. Aujourd'hui, la désolation et la stupeur ont pris le relais des célèbres attributs qui faisaient de l'oued un isthme par qui passent les tractations commerciales de la capitale. Ce n'est pas Venise encore, mais un fleuve qui deviendra grand. On a tendance à minimiser ce cours aquatique pour le reléguer au rang de oued voué à la décharge d'eaux usées. Pourtant, sur les berges poussent le laurier blanc et d'autres plantes qui font rêver les canotiers. Ce fleuve dont l'embouchure donne sur les plages de Mazella attend sa réhabilitation. Il fut de tous les évènements, on y prenait plaisir à venir bivouaquer sur les berges du fleuve en famille, une romance qui se perd dans les dédales de l'oubli. Témoin d'un passé opulent, il a conservé son titre de oued El Harrach. Bon gré, mal gré, cette lagune bleue qu'elle était, attire encore les rares pêcheurs d'haricots de mer ou de clovis. Il y a lieu de s'attarder sur le phénomène d'envasement de l'oued. Un véritable drame se joue en amont du fleuve. Des centaines de cadavres d'animaux jonchent le cours d'eau. Avec les grandes chaleurs, le risque d'épidémie s'installe. Les jeunes n'hésitent pas à pique une tête dans les eaux d'El Harrach pour célébrer la victoire de leur équipe favorite. Côté sanitaire, beaucoup reste à faire, ces nouveaux intrus à l'aventure n'ont encore pas désarmé pour reprendre le chemin d'El Oued. Ils reviendront cette semaine pour grappiller le fond de la vase et en tirer quelques fruits de mer poussant à l'embouchure du fleuve. Il y a comme un sentiment de revanche chez ces jeunes casse-cou qui préfèrent, par amour du risque, venir rôder sur les berges de l'oued. Mohamed Bentaleb.