Photo : Makine F. Raquel Rolnik, Rapporteuse spéciale des Nations unies sur le logement convenable, a souligné, hier lors de la présentation au siège de l'ONU des observations et conclusions préliminaires de son rapport sur l'habitat, que l'Algérie doit œuvrer pour la diversification et la démocratisation de la politique du logement. Une politique basée sur la participation directe des citoyens et des organisations de la société civile dans la définition et l'application de cette politique. «Cette option serait un pas très important pour réaliser les promesses de réformes annoncées par l'Etat. Elle consiste en la démocratisation de la politique du logement, en l'ouverture du terrain à la participation directe des citoyens dans le processus de planification et d'implémentation de cette politique», a-t-elle constaté au terme de la mission qu'elle a effectuée la semaine dernière à l'invitation du gouvernement algérien. Elle soumettra en mars prochain les recommandations aux autorités algériennes. La représentante onusienne a, d'emblée, apprécié l'engagement du gouvernement algérien dans le domaine du logement, en termes qualité et quantité. «Ces efforts sont particulièrement importants dans un contexte international caractérisé par le désengagement des Etats en matière de logements», a-t-elle reconnu. Evoquant la situation actuelle du logement en Algérie, la Rapporteuse spéciale s'est référée à l'effort déployé au cours de la dernière décennie en milieu urbain et rural, notamment la formule du socio-locatif et l'importante inversion budgétaire de l'Etat dans ce domaine (17,4% du budget national pour le quinquennat 2010-2014). Toutefois, Raquel Rolnik a décrit aussi une situation qui se caractérise par un surpeuplement dans les logements, l'existence d'un nombre important de bidonvilles et de formes d'habitat spontané qui manquent de conditions minimales pour une vie décente. Elle met, par ailleurs, l'accent sur la pratique courante de louer des garages à des privés, sur la spéculation sur les prix de loyers. Elle regrette, par ailleurs, les expulsions souvent exécutées suite à des décisions judicaires entamées par des privés. Elle rappelle, à cet effet, l'importance de garantir aux personnes affectées par des décisions d'expulsion le droit à l'assistance légale et l'accès à la justice. Elle déplore, par ailleurs, la pérennité du logement d'urgence censé être transitoire. Elle cite à titre d'exemple le cas des familles qui habitent depuis huit ans des chalets construits suite au tremblement de terre de Boumerdès. Dans son rapport, elle affirme que presque un million de logements est inoccupé, soit 14% du parc immobilier. LA NECESSITE D'UN OBSERVATOIRE AUTONOME DE L'HABITAT D'après Mme Rolnik, la problématique ne se pose pas en termes de réalisation mais dans la méthode d'attribution. «Bien que des efforts aient été très importants, des manifestations ont lieu dans différentes régions du pays à chaque fois que des listes d'attribution de logements aux bénéficiaires sont affichées», a-t-elle constaté. Elle impute cette réaction à l'absence de participation du citoyen dans le processus d'établissement des critères d'attribution. De même pour la marge de discrétion laissée aux institutions chargées de les appliquer. «L'opacité du processus a créé un climat de soupçon de clientélisme et de corruption du côté de la population», a-t-elle affirmé. Des efforts sont à faire pour établir une concertation et institutionnaliser la participation de la société civile dans la définition, l'application, la gestion et le suivi des politiques de logement en Algérie. Elle recommande au gouvernement algérien la création d'un observatoire autonome de l'habitat, à même de mettre en place des mécanismes permanents de suivi de l'application des politiques de logements. Tout en confirmant les limites de la politique actuelle confinée à la construction de nouvelles unités de logements, la Rapporteuse spéciale a affirmé que l'Algérie a de grandes possibilités de diversifier ses choix et options.