Après une visite de dix jours en Algérie, à l'invitation du gouvernement, Raquel Rolnik, rapporteuse spéciale de l'ONU sur le droit à un logement convenable, a conclu que «la démocratisation de la politique de logement en Algérie est nécessaire dans la conjoncture actuelle». Lors d'une conférence animée hier au bureau des Nations unies à Alger, Mme Rolnik a reconnu que «le gouvernement a fait des efforts significatifs en matière de construction de logements, mais que le défi reste, aujourd'hui, d'assurer une transparence dans le processus de distribution». Selon elle, la crise de logement existe réellement et elle est reflétée à travers les émeutes et les contestations enregistrées dans plusieurs wilayas du pays, à chaque fois que des listes de bénéficiaires de logements sociaux sont affichées. Elle ajoute que la crise est également traduite par les «habitations précaires que beaucoup de citoyens occupent toujours». Cette situation est, selon la même intervenante, la conséquence de l'histoire de la politique adoptée par le secteur depuis des années. Cette politique du logement ne s'est pas basée sur une évaluation exacte des besoins en la matière. Selon elle, le gouvernement algérien ne suit pas un processus «logique», c'est-à-dire faire une évaluation des besoins avant l'adoption d'une quelconque décision. En Algérie, a-t-elle regretté, «on prend des décisions puis on effectue des enquêtes. C'est pour cela qu'on remarque aujourd'hui un décalage entre l'offre et la demande». Et d'ajouter : «Le gouvernement a établi une politique qui, mis à part le programme de résorption de l'habitat précaire, n'est pas basée sur les différentes nécessités des personnes mal logées et n'incorpore pas des stratégies spécifiques. Cette approche, qui a été ainsi de type exclusivement quantitatif, a promu un produit qui ne répond pas aux différentes nécessités existantes». La rapporteuse spéciale a également remarqué «le manque de participation et de vulgarisation dans la politique de logement promue par l'Etat». Une politique, dit-elle, «qui reste opaque pour le citoyen commun.» Elle a souligné dans ce cadre qu'«il reste des efforts à faire en matière de transparence et que les diverses institutions qui participent au processus d'attribution de logements disposent d'un marge de discrétion qui ouvre la voie au clientélisme et à la corruption», ajoutant que cela a contribué à créer un climat de soupçon et de manque de confiance de la part de la population, dont les contestations. Dans ce cadre, Mme Rolnik recommande «l'établissement de programmes «d'outreach», soit de sensibilisation et la création d'un fichier unifié national des demandes de logements déposées par les citoyens avec les points attribués et la position de chaque demandeur sur la liste. La classification devrait être publiée et rendue accessible». La rapporteuse spéciale a aussi évoqué la discrimination constatée à l'égard des femmes dans l'accès au logement et les expulsions forcées de familles, qui «résulteraient souvent d'actions judiciaires entamées par des privés envers des locataires». Evoquant la politique de l'éradication des bidonvilles entamée par l'Etat depuis 2007, Mme Rolnik a estimé que cette politique a augmenté la pression déjà très importante sur le système de logements de type social-locatif, engendrant des conflits entre les possibles bénéficiaires de ces deux programmes. Pour conclure, la rapporteuse de l'ONU appelle à «démocratiser la politique du logement, ouvrir le terrain à la participation directe des citoyens dans le processus de planification et d'implémentation de cette politique, qui pourrait représenter un pas important dans le cadre des réformes promises par le gouvernement».