Huit ans après «Enduring Freedom» («Liberté immuable»), l'opération lancée le 7 octobre 2001 par George W. Bush, la situation en Afghanistan est loin de celle promise : les trafiquants de drogue continuent de fournir 90% de l'opium mondial, al Qaîda, un label pour ses succursales régionales et les talibans qui ont été chassés du pouvoir, sont en «position de force». Barack Obama qui a promis de gagner cette « guerre nécessaire » tente de mettre debout l'Afghanistan qui « n'est pas en danger imminent de tomber » pour reprendre l'expression du général James Jones, le conseiller du président à la sécurité nationale. Les anti- guerre qui avaient opté pour un profil bas pour ne pas gêner le successeur de Bush à la Maison Blanche, s'apprêtent à hausser le ton. Leur première manifestation aura lieu aujourd'hui. Neuf mois après son arrivée à la Maison Blanche, Obama doit, alors que le nombre de morts, tant civils que militaires, bat tous les records, répondre par «oui» ou par «non» au général Stanley McChrystal, le chef de la coalition, qui réclame un envoi rapide de 30 à 40.000 hommes pour gagner «la bataille psychologique», faute de quoi, prévient-il, la guerre « se conclura par un échec». «Si al Qaîda et les talibans croient qu'ils nous ont vaincus, qu'arrivera-t-il après ? Est-ce qu'ils s'arrêteraient en Afghanistan ?» se demande le nouveau commandant en chef de l'armée britannique, le général David Richards redoutant comme beaucoup d'experts de voir un jour le Pakistan, un pays nucléaire, pris pour cible par les talibans et al Qaîda pour en faire «l épicentre moderne du djihad». « Une victoire des talibans raffermirait l'autorité du réseau d'Oussama Ben Laden et réconforterait les chefs d'al Qaïda qui pensent vaincre une deuxième superpuissance après avoir vaincu l'ex-Union soviétique, dans les années 80 », estime le ministre américain de la Défense, Robert Gates. Comme pour forcer la main au président qui pourrait renoncer à son ambitieuse stratégie de contre-insurrection décidée en mars dernier par son état-major, il affirme qu'il est hors de question que les Etats-Unis se retirent d'Afghanistan. Curieusement, tous les avocats des renforts pour l'éradication de la « centaine de militants actifs » du réseau Ben Laden pointent du doigt le Pakistan, un pays « inclus dans la réflexion », reconnaît le général Jones. Perdant Kaboul, Washington qui a entraîné Islamabad dans sa guerre contre le terrorisme, chercherait-elle à faire du Pakistan son bouc émissaire ? Les talibans pakistanais rêvent de mettre la main sur l'arme atomique et promettent d'intensifier leurs attaques contre ceux qui « travaillent pour les intérêts américains » ou ferment l'œil sur les menaces à peine voilées du Pentagone de frapper le Baloutchistan. QUE FAIRE ? Ceux qui sont convaincus qu'on « ne gagne pas un défi en y mettant le prix » préconisent, comme les 61% d'Américains hostiles à cette guerre, une réorientation stratégique à 180° avant les dommages collatéraux de l'élection présidentielle aux fraudes massives du 20 août dernier et de la corruption endémique des fonctionnaires et des chefs de guerre entourant Hamid Karzaï. Joe Biden, son vice-président, tente de le convaincre de ramener les troupes au pays et de se concentrer sur la lutte contre al Qaîda. Pour ces derniers, envoyer des renforts dans la situation actuelle revient à conforter Karzaï réélu par des votes frauduleux. « Un tiers », selon Peter Galbraith, l'ex-numéro deux des Nations unies à Kaboul. Dans sa feuille de route pour sortir du piège afghan, le général Jones partage la poire en deux. Il estime nécessaire mais pas suffisant, l'envoi de renforts. Il suggère une implication dans le développement économique, le respect de l'Etat de droit par les autorités, l'encouragement du dialogue entre les « frères ennemis ». Les pays membres de la coalition internationale tentent eux aussi de sortir du piège. L'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne veulent une conférence internationale cette année pour discuter du retrait progressif des militaires déployés. Selon certains analystes, le Conseil de sécurité pourrait prendre le relais de cette conférence en cherchant un consensus entre ses cinq membres permanents pour rédiger un calendrier de retrait et un plan de soutien politique et économique aux Afghans.