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Les vocations majeures de la révélation coranique (Quatrieme Partie)

Lors de notre séance d'hier, nous avons expliqué comment la loi divine consistait, dans son essence, à réaliser ce qui est bénéfique pour l'homme et à repousser ce qui lui est néfaste ; mais comme cette loi ne peut trouver, dans la vie de tous les jours, un champ d'application effectif que si elle se met en adéquation avec la nature primaire de l'homme, il faut bien comprendre qu'un certain nombre de paramètres doit être pris en ligne de compte. Notre vie sur terre étant appelée, par moments, à connaître des déroulements qui échappent totalement à notre contrôle, ce que nous appelons généralement «les aléas de la vie» ou «les concours de circonstances», il arrive que nous nous trouvions dans l'incapacité d'observer certains commandements de Dieu. Dans ces cas dits d'exception, où l'observance de la loi devient préjudiciable pour l'homme, et conformément à l'esprit du Coran, ce n'est plus la règle qui fait loi mais la nécessité, d'où cette règle de droit qui fait l'unanimité des juristes musulmans et qui dit «la nécessité prime l'interdit», ou bien «La nécessité fait loi».
Deux versets coraniques illustrent parfaitement cette disposition juridique, le premier est le verset 173 de la Sourate «El Baqara» où Dieu dit : «Certes, Il ne vous a interdit que la chair d'une bête morte, le sang, la viande de porc et tout ce qu'on immole en nommant autre que Dieu. Celui pourtant qui a été contraint sans désir particulier de sa part et sans dépasser les limites de ses besoins, celui-là ne supporte aucun péché et Dieu est essentiellement Absoluteur et Miséricordieux». Le second verset est le verset 145 de la Sourate «El Anaâm» où Dieu dit : «Dis : "Je ne trouve, dans ce qui m'a été révélé d'interdit à aucun mangeur d'en manger si ce n'est une bête morte, un sang répandu, une chaire de porc (ce sont là des choses impures) ou quelque sacrifice visant autre que Dieu. Celui cependant qui y est contraint par nécessité, sans y être poussé par quelque désir et sans en dépasser ses besoins, ton Seigneur (dans ce cas) est parfaitement Absoluteur et Miséricordieux». Cependant, il faut bien comprendre que ces versets, que nous venons de citer, ne rendent pas licite l'illicite mais font tout simplement office d'une levée ponctuelle de l'interdit face à un cas de force majeure. Ce qui nous amène à dire qu'une loi efficace n'est pas celle qui édicte un certain nombre d'interdits, avec une multitude d'exceptions pour chacun de ces interdits, mais celle qui interdit ce qui doit l'être tout en prenant en considération les capacités de l'homme à s'y soumettre, et si nous devions dresser un parallèle entre les lois humaines dites positives, et la loi coranique qui est, du moins selon les musulmans, d'essence divine, nous serions forcés de constater que le propre de la loi positive est que les hommes (ou les juristes) qui l'ont établie se trouvent régulièrement dans l'obligation de la changer ou de la reformuler afin de l'adapter aux impératifs de leurs sociétés, bien que la loi positive n'aille pas forcément à l'encontre de la loi coranique, alors que la loi divine, elle, cible l'interdit tout en laissant une ouverture d'esprit qui permette de l'appliquer ou de la suspendre momentanément en fonction des conjonctures, ce qui la rend applicable quelles que soient les circonstances, ce qui la met, aussi, en harmonie avec la nature de l'homme et le prédispose à la respecter.
Le Calife Omar Ibn El Khattab (DAS) a bien pris conscience de tout cela. Sous son règne, il y eut une année de sécheresse durant laquelle les gens ont beaucoup souffert. L'une des mesures d'exception prises par Omar (DAS) a été de proclamer que la loi qui consistait à amputer la main du voleur était gelée momentanément, parce que les gens se trouvaient dans un besoin tel qu'il leur était très difficile de résister à la tentation de voler quoi que ce soit si l'occasion se présentait, ne serait-ce que pour se nourrir. Il est clair que Omar Ibn El Khattab (DAS) n'aurait jamais agi ainsi si l'esprit général du Coran et de la Tradition prophétique ne l'avait permis, mais ce qui est le plus important dans cette anecdote, c'est cette dimension humaine de la loi qui prend en considération les faiblesses et les limites de l'homme et qui fait de lui son principal centre d'intérêt, à telle enseigne qu'il la perçoit beaucoup plus comme une autorité sage qui veille à ses intérêts, que comme un gendarme à l'affût du moindre de ses écarts pour sévir.
Il convient, cependant, d'indiquer que même si l'on se trouve, en cas de nécessité absolue, en droit d'enfreindre les règles, l'usage de l'interdit ou du passe-droit doit s'exercer avec parcimonie et ne doit jamais dépasser les limites des besoins ou des prétextes qui y ont donné accès, ce qui rejoint une autre règle de droit qui dit que ce qui est nécessaire s'évalue en fonction du besoin et de la capacité.
Mais il s'agit là d'un domaine qui incombe beaucoup plus à l'homme qu'à la loi elle-même, car aussi juste et aussi efficace soit-elle, la loi ne sert absolument à rien si les hommes ne font pas preuve d'un minimum de civisme pour la faire respecter, d'où l'importance pour nos musulmans de comprendre que le civisme touche presque à toutes les branches de la foi, dans la mesure où il devrait incarner, pour chacun d'entre-nous, une sorte de constitution intérieure qui freine les mauvaise suggestions de l'âme, et qu'à ce titre, une bonne conformité à l'Islam passe par un sens très développé du civisme. Ce que nous ne manquerons pas de démontrer dans les prochaines éditions.


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