En référence aux séances précédentes concernant les cinq objectifs majeurs de la Révélation, nous pouvons dire que la Loi divine n'a été suscitée que pour répondre aux besoins les plus élémentaires de l'humanité. Cette Loi consiste donc, dans son essence, à réaliser le bien, ce que les théologiens appellent en langue arabe «el masaleh», ce qui englobe tout ce qui est bénéfique pour l'homme, autant pour sa vie d'ici-bas que pour sa vie de l'au-delà ; et à repousser le mal, ce que les théologiens appellent «mafassid», ce qui symbolise tout ce qui est néfaste pour l'homme. Cela dit, si le bon sens veut que l'on accomplisse le bien et que l'on repousse le mal, et si la loi est là pour y veiller, en récompensant celui qui accomplit le bien et en punissant celui qui perpètre le mal, il faut bien comprendre que cette démarche, aussi noble soit-elle, ne peut apporter ses fruits que si elle prend en considération un certain nombre de paramètres : dans son livre "Ilam el mouakîn" Ibn el Kaim, un élève d'Ibn Taïmia, explique que toute action visant à éradiquer le mal se propageant dans une société donnée, ne peut aboutir qu'à l'une des quatre conséquences suivantes : La première est que le mal disparaisse et c'est le bien qui le remplace. La seconde est que le mal diminue d'intensité même s'il ne disparaît pas totalement, et ce sont là deux finalités souhaitées par la religion. La troisième est que le mal, en question, soit remplacé par un autre mal, surtout s'il est moindre, mais c'est là une décision qui reviendrait à des érudits, ayant un esprit visionnaire à même de mesurer les conséquences d'un choix de ce genre. Notons, à ce sujet, que nos théologiens s'accordent à dire que «le sage n'est pas celui qui distingue le bien du mal, mais celui qui choisit le moindre mal». D'ailleurs, Ibn el Kaïm, lui-même, relate une anecdote de son maître Ibn Taïmia qui illustre bien ce cas de figure : «J'ai entendu Cheikh el Islam dire : ''A l'époque des Tatares, je suis passé, avec des amis, près d'un groupe d'entre eux en train de se saouler (les faits se déroulent à une période où les Tatares s'étaient convertis à l'Islam tout en étant dominants). L'un de mes amis s'est mis à les réprimander avec véhémence, je l'ai désapprouvé ouvertement en lui disant : "Dieu n'a interdit la consommation du vin que parce qu'elle détourne de la prière et de l'évocation de Dieu, alors que ces gens là, la beuverie les détournent du meurtre, de la spoliation et du rapt d'enfants, alors laisses-les.» La quatrième est que l'action visant au changement entraîne un mal plus important que le mal initial, et c'est là une chose inadmissible et fortement déconseillée, d'où l'importance d'avoir un minimum de science permettant d'apprécier la situation et de mesurer la portée de toute initiative visant à changer les choses en bien. Malheureusement, il s'agit là d'un point que bon nombre de nos frères ne semblent pas avoir compris, ce qui a causé bien du tort à l'image de l'Islam : certains «musulmans» se donnent le droit de ne pas adresser la parole à leurs frères, et vont parfois jusqu'à leur manifester une certaine animosité pour la simple raison que ces derniers n'adoptent pas un style vestimentaire jugé conforme à la Tradition prophétique ; et alors que le musulman est censé appeler au sentier de Dieu par la sagesse et la bonne parole, ces gens-là donnent, par un comportement contraire à l'éthique musulmane, le plus mauvais des exemples. Quel argument peut-on avancer pour justifier pareille attitude vis-à-vis de ses frères, quand on sait que le Prophète (QSSSL) avait un voisin juif qui lui jetait chaque jour, par pure provocation, des ordures devant chez-lui, ordures que le Prophète (QSSSL) ramassait en montrant une patience infinie. Un jour, il ne trouva pas d'ordures comme à l'accoutumée, il s'en alla immédiatement demander des nouvelles de son voisin juif qu'il trouva malade. Etonné, ce dernier lui demanda pourquoi réagissait-il ainsi ? Il répondit que c'était sa religion qui lui ordonnait d'être bon envers ses voisins, et le juif se convertit à l'Islam. Dans un hadith rapporté par Boukhari d'après Sahl Ibn Hanif, le Prophète s'est levé, par respect, au passage d'un cortège funèbre, on lui dit alors : «Mais c'est la dépouille d'un juif». Il répondit : «N'est-ce pas une âme comme les autres ?» Quand on sait tout cela, ce n'est pas par hasard si Georges Bernard Shaw, prix Nobel de Littérature en 1925, disait du Prophète (QSSSL) : «J'ai étudié cet homme merveilleux qui, à mon avis, est loin d'être un Antéchrist, et qui devrait être appelé le Sauveur de l'humanité.» Ça n'est pas non plus par hasard si un illustre comme Lamartine, a dit : «Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens, l'immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l'homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l'histoire moderne à Mohammed ?»