L'islam ayant connu une grande expansion après la mort du Prophète (QSSSL), beaucoup de nouveaux convertis à l'Islam d'origine non arabe, dits «âjm», se sont trouvés dans l'incapacité de lire ou de comprendre le Coran avec l'aisance des arabes de souche, qui comprenaient autant les subtilités des versets coraniques que celles des sentences prophétiques par instinct linguistique. Les sciences de la religion ont alors connu, et dès le premier siècle de l'Hégire, une véritable révolution donnant, en parallèle, naissance à une multitude de disciplines dans divers domaines. Si la loi divine, comme nous l'avons vu hier, prend en considération les faiblesses de l'homme et autorise, dans des cas de nécessité absolue, un acte prohibé jusqu'à ce que le prétexte licite ayant permis cela se dissipe, il faut savoir que cette même loi, dans un degré moindre, va toujours dans le sens de l'aisance et de la facilité pour des raisons d'accommodement, et dispense, essentiellement dans le domaine cultuel, une dérogation, qui est une mesure circonstancielle qui fait face à la règle, et qui intervient soit pour reporter une obligation religieuse jusqu'à ce que les conditions de l'observer soient réunies, ce qui est le cas du jeûne de Ramadhan qui peut être reporté en cas de voyage ou de maladie, conformément au verset 185 de Sourate «El Baqara» qui dit : «Celui qui est malade ou en voyage, alors qu'il jeûne un nombre égal d'autres jours». Ou bien pour alléger l'obligation, ce qui est le cas des prières obligatoires qui peuvent être regroupées et abrégées en cas de voyage, dans un hadith rapporté par Ennassani d'après Anas (DAS), le Prophète (QSSSL) a dit : «Dieu a déchargé le voyageur de la moitié de la prière.» Ou, enfin, pour changer l'obligation due en temps normal par une mesure alternative, ce qui est le cas des ablutions sèches en cas de maladie ou d'absence d'eau. Dieu dit dans le verset 43 de Sourate E'nissa : «Si vous êtes malades ou en voyage, ou si l'un de vous revient du lieu où il a fait ses besoins, ou si vous avez touché aux femmes et que vous ne trouviez pas d'eau, alors recourez à une terre pure, et passez-vous-en sur vos visages et sur vos mains. Dieu, en vérité, est Indulgent et Pardonneur.» Ce que nous venons de dire rejoint un principe fondamental en Islam, énoncé par une règle de droit qui dit : «La difficulté doit être repoussée par l'aisance.» Cette règle s'inspire directement du verset 185 de Sourate «El Baqara», relatif au jeûne et dont une bribe dit : «Dieu vous veut l'aisance et ne vous veut guère la difficulté». Beaucoup de gens pensent qu'il est plus méritoire, là où l'on peut bénéficier d'une dérogation, de se plier à la règle applicable en temps normal, comme dans le cas où l'on se trouverait en mesure de supporter le jeûne lors d'un voyage et de choisir de jeûner plutôt que de le reporter. Il est vrai que, dans ce cas précis, le choix revient à la personne qui voyage, dans un hadith rapporté par Muslim, Hamza Ibn Omar El Islami (DAS) interrogea le Prophète (QSSSL) et lui dit : «Ô Messager de Dieu ! Je me sens apte à jeûner pendant le voyage, y a-t-il un mal à cela ? Le Prophète (QSSSL) lui répondit : «Il s'agit d'une dérogation émanant de Dieu, celui qui agit selon elle, cela est bon, et celui qui préfère jeûner ne supporte aucun péché.» Dans une autre version, le Prophète (QSSSL) lui aurait dit : «Jeûnes si tu le veux, ou manges si tu le veux». Mais même si, dans pareil cas, on décidait de reporter le jeûne alors que l'on se trouverait en mesure de le supporter pendant le voyage, le jeûne reporté est parfaitement valide. Même que l'esprit général de la religion tend beaucoup plus à préférer la dérogation, dans un hadith rapporté par Ibn Hiban et Tabarani d'après Ibn Abbas (DAS), le Messager de Dieu (QSSSL) a dit : «Dieu aime que l'on agisse selon ses dérogations, tout comme Il aime que l'on agisse selon ses règles.» Un autre hadith confirme cette tendance, il est rapporté par Muslim, il s'agit d'une réponse du Prophète (QSSSL) à Omar Ibn El Khattab (DAS) qui s'était étonné du fait que l'on puisse écourter ses prières durant le voyage quand on n'éprouvait pas de difficultés à les accomplir dans leur intégralité, le Prophète (QSSSL) lui dit : «C'est une aumône que Dieu vous a faite, acceptez son aumône.» En outre, il arrive que la dérogation devienne obligatoire et aller à son encontre deviendrait une infraction, c'est le cas d'une personne à qui le médecin a interdit de jeûner mais qui jeûne quand même. Il faut bien comprendre que l'on n'est pas tenu de manifester sa ferveur par la difficulté, la privation ou l'ascèse, bien au contraire, un bon cheminement religieux exige de nous une certaine modération. Pour ce qui est de l'aisance, Boukhari et Muslim rapportent d'après Aïcha (DAS) qu'elle a dit : «Chaque fois qu'on a laissé au Messager de Dieu le choix entre deux solutions, il en prenait toujours la plus aisée tant qu'il ne s'agissait pas d'un péché. Quand c'était un péché, il en était le plus éloigné. Le Messager de Dieu ne s'est jamais vengé pour lui-même sauf quand l'une des limites sacrées de Dieu était transgressée et, dans ce cas, il se vengeait pour Dieu le Très-Haut». Et pour ce qui est de la modération, Boukhari rapporte d'après Abou Hourayra (DAS) que le Prophète (QSSSL) a dit : «La religion est aisance et facilité. Jamais quelqu'un ne cherchera à rivaliser de force avec la religion sans que la religion ne l'écrase. Suivez plutôt la voie sage du juste milieu, rapprochez-vous en douceur de la perfection et soyez optimistes. Aidez-vous en cela par vos allées et venues à la mosquée le matin, le soir et aux dernières heures de la nuit.» Boukhari et Mouslim rapportent d'après Aïcha (DAS) que le Prophète (QSSSL) entra chez elle alors qu'elle était avec une autre femme. Il dit : «Qui est donc celle-ci ?» Elle dit : «Une telle qui vient me parler du grand nombre de ses prières.» Il dit : «Ne vous surchargez point ainsi car on ne vous a imposé que ce que vous pouvez supporter. Par Dieu ! Dieu ne se lasse pas de vous récompenser jusqu'à ce que vous vous lassiez de faire des œuvres de bien. La meilleure façon de L'adorer est pour Lui ce que vous faites avec persévérance.» «Un peu qui dure vaut mieux que beaucoup qui s'interrompt.» Ceci nous amène à dire, pour conclure, qu'il n'y a pas d'Islam modéré ou d'Islam pur et dur, il y a tout simplement l'Islam, un Islam qui se veut souple là où il est permis de l'être et intransigeant là où il faut l'être.