Actuellement, qu'il s'agisse des Etats-Unis ou de l'Europe, tous les chiffres semblent flirter avec le rouge et il fallait aux officiels de tous ces pays des doses formidables d'optimisme ou encore des ressorts étonnants de comédie face aux médias pour dire que la situation n'est pas si grave que cela ou encore qu'elle est maîtrisable et gérable sur le moyen terme. Cette semaine qui s'écoule, désormais intégrée à l'horloge du passé, n'en laisse pas moins pour la suite des événements des inquiétudes futures concernant la situation de la finance mondiale, et pour cause, le crash boursier a été évité de justesse. Mais ne voilà-t-il pas là un constat qui donne à croire que le plus dur est passé ? Si cet optimisme est un élexir indispensable aux politiques et aux acteurs de la finance afin de rasséréner les esprits dans l'espoir de voir se stabiliser la situation et se rétablir la confiance des marchés, la réalité est autre. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la parade de cette semaine ne semble être qu'un sursis. Ce qui rend encore plus grave que la précédente le spectre d'une nouvelle récession économique, c'est le fait que cette fois-ci les gouvernements occidentaux, touchés de plein fouet par le tsunami précédent et épuisé d'avoir déployé tant de solutions financières, ne semblent plus disposer d'atouts supplémentaires pour endiguer la lame de fond qui s'annonce. On a failli croire que le fait majeur de la semaine à l'échelle mondiale, ce n'était pas le risque de crash boursier, mais bien le déclassement de la dette américaine par l'Agence de notation Standard and Poor's. En fait, l'impact de l'un sur l'autre en disait déjà très long sur la réaction officielle américaine vis-à-vis de cette agence et l'on s'est même plu à prêter à l'Oncle Sam un accent paternaliste du genre : «La Maison Blanche sermonne Standard and Poor's»… Ce qui n'a pas empêché cette agence de maintenir sa notation de la dette américaine et de préciser, par-dessus le marché (sans jeu de mots), que cette note pourrait s'aggraver dans les semaines et les mois qui viennent si rien d'effectif n'est fait officiellement par le gouvernement américain pour trouver de véritables solutions à l'endettement et au déficit budgétaire. Ce sont là des signes qui ne trompent pas. A choisir entre le fait de produire une note qui risque à elle seule de précipiter le tsunami et le silence complaisant qui accorde les sursis que certains considèrent comme salvateur, S and Poor's semble avoir opté pour la transparence, comme si le maintien de la confiance des marchés cessait d'être un enjeu et que l'endiguement de la dérive financière américaine devenait la priorité des priorités. Les économies modernes et complexes de l'Occident admettent de nombreux paramètres pour mesurer leur état de santé. Actuellement, qu'il s'agisse des Etats-Unis ou de l'Europe, tous les chiffres semblent flirter avec le rouge et il fallait aux officiels de tous ces pays des doses formidables d'optimisme ou encore des ressorts étonnants de comédie face aux médias pour dire que la situation n'est pas si grave que cela ou encore qu'elle est maîtrisable et gérable sur le moyen terme. UN TABLEAU TRÈS SOMBRE Les chiffres au rouge marquent autant les niveaux de croissance du Produit intérieur brut (PIB), ceux de la consommation, de l'immobilier et de l'épargne que ceux de l'emploi, dont il faut dire qu'ils sont très mauvais, qui pourraient être source de nombreux conflits et remous sociaux. Ce qui assombrit davantage le tableau, c'est que le double front que les gouvernants de ces pays déployaient pour contre les crises a cessé de valoir. D'une part, le front financier est tombé, qui consistait à combler, un tant soit peu, les quelques trous du gouffre financier ouvert par la crise de 2008 et d'autre part, le front médiatique et de communication a perdu toute crédibilité, lui qui réarmait psychologiquement les marchés et rassurait les épargnants et les consommateurs. Il n'est pas jusqu'au puissant Oncle Sam qui ne soit aujourd'hui pointé du doigt comme emprunteur insolvable, qui voit sa voix perdre de sa consistance et son discours perdre de son efficacité dans les moments de crise. LA CONTAGION STRUCTURE DE LA CRISE… La contagion a plus d'un nom. La France tremblait au lendemain de l'attribution de la mauvaise note de S and Poor's au USA, craignant pour son triple AAA, alors que l'Italie a depuis longtemps éprouvé les contrecoups de ces déclassements. La zone euro dans son ensemble redoute une propagation de la crise américaine dans la maison Europe, mais on tarde à réagir en imaginant des solutions, cela comme si, après tous les efforts financiers consentis en 2008 et 2009, on se trouve dans l'incapacité de mobiliser le moindre euro. Que l'on se mette un seul instant à la place d'un pays comme la Grèce qui se trouve être l'archétype du pays européen en crise. En guise de solution pour combler le gouffre financier advenu chez ce pays depuis la crise de 2008, on a préconisé des solutions draconiennes côté européen. Un plan d'austérité, des mesures anti-sociales, une revue à la baisse de l'indice salarial et des engagements de remboursement des dettes selon un calendrier très contraignant. Voilà des mesures qui achèvent de faire plier tout un peuple et ce n'est pas pour rien qu'on a appelé cela «la tragédie grècque». Après cela, on s'attend à ce que la Grèce se relève économiquement. Les politiques grecs, conscients des choix de gouvernance financière qu'ils ont faits en 2008 acceptent de jouer le jeu, mais le peuple grec ne l'entend de cette oreille et il est fort probable que le peuple italien ne l'entende pas non plus de la même oreille que Berlusconi, etc. Redimensionnez cela à la taille de la crise européenne et, moyennant une évaluation proprotionnelle de l'impact de celle-ci sur chaque pays, il est possible de se faire une idée des conséquences sociales et humaines que les solutions préconisées à la crise impliquent. Dès lors, ceux qui peinent, non pas à se relever, mais simplement se viabiliser depuis la crise de 2008, peuvent-ils s'accommoder d'une crise nouvelle ? Et puis, les mesures anti-crise n'empêchent-elles pas quelque part la plupart des pays à parer à d'autres crises ? BRETTON WOODS ET SES MEFAITS SONT TOUJOURS LÀ Ces soubresauts rafraîchissent les mémoires de ceux qui ont pu oublier qu'en fin 2008 les doigts étaient pointés pour désigner un système à l'origine de tant de déboirs financiers. Le système financier de Bretton Woods est en effet encore là et l'on ne doit plus s'étonner des crises successives qui viennent secouer la finance mondiale. Les mesurettes préconisées alors n'étaient que de la poudre aux yeux pour rétablir la confiance des marchés. Même les fameux bonus des golden boys voués aux gémonies ont été réhabilités et tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse et nul besoin alors d'attendre la goutte qui viendra déborder le vase.