L'islam ayant connu une grande expansion après la mort du Prophète (QSSSL), beaucoup de nouveaux convertis à l'Islam d'origine non arabe, dits «âjm», se sont trouvés dans l'incapacité de lire ou de comprendre le Coran avec l'aisance des arabes de souche, qui comprenaient autant les subtilités des versets coraniques que celles des sentences prophétiques par instinct linguistique. Les sciences de la religion ont alors connu, et dès le premier siècle de l'Hégire, une véritable révolution donnant, en parallèle, naissance à une multitude de disciplines dans divers domaines. Nous parlerons aujourd'hui de la troisième vocation majeure de la révélation qui est la préservation de la raison. La raison, ou le fait d'être en pleine possession de ses facultés mentales, est une condition sine qua non dans tout acte culturel ou juridique qu'entreprendrait le musulman, son absence totale décharge l'homme de toute obligation religieuse, une règle de droit dit à cet effet : «Quand Dieu reprend à l'homme ce dont il lui a fait don, sur le plan physique ou mental, il le décharge de ce dont il a exigé de lui », car l'absence d'une faculté mentale ou motrice implique une diminution de la capacité de l'homme quant à observer ce qui lui a été commandé par Dieu. Mais si, dans son infinie justice, Dieu ne tient pas rigueur, de ces actes, à une personne atteinte de démence, il faut savoir que toute absence temporaire de raison due à une consommation délibérée d'alcool ou à l'usage d'un stupéfiant, non seulement annule tout acte religieux tel que la prière ou le jeûne, mais peut entraîner, par mesure punitive de Dieu, une annulation de la prière, par exemple, sur une période de quarante jours, comme le rapporte un hadith d'Ahmed, Nassai et Ibn Majda selon Abdullah Ibn Amr, et ce, parce que c'est par la raison que l'homme se distingue de l'animal, et que c'est par la raison qu'il trouve le chemin de Dieu. L'une des premières mesures montrant l'importance qu'accorde l'Islam à la raison a été sans nul doute l'interdiction du vin. Quand le Prophète (QSSSL) s'établit à Médine, la première génération de musulmans ayant constaté que les conséquences de la beuverie allaient à l'encontre de l'éthique musulmane, ils interrogèrent le Prophète (QSSSL) si sa consommation était-elle licite ou pas ? Le verset 219 de Sourate El Baqara fut alors révélé en réponse à leur interrogation, ce verset dit : «Ils t'interrogent sur le vin et les jeux de hasard. Dis : «Dans les deux il y a un grand péché et quelques avantages pour les gens ; mais dans les deux, le péché est plus grand que l'utilité». A ce stade, la consommation du vin n'était pas encore prohibée, mais il est arrivé après cela que certains compagnons aient accompli leur prière en état d'ivresse et qu'ils aient déformé le Coran quand ils le récitaient, ce qui a causé la révélation du verset 43 de Sourate E'nissa où Dieu dit : «Ô vous qui avez cru ! N'approchez pas la prière alors que vous êtes ivres jusqu'à ce que vous sachiez ce que vous dites.» A partir de ce moment, les gens s'abstenaient de boire durant la journée parce qu'elle était ponctuée de prières et ne le faisaient que la nuit. Les choses ont continué ainsi jusqu'à l'interdiction définitive du vin par la révélation des versets 90/91 de Sourate El Maïda où il est dit : «Ô vous qui avez cru ! Le vin, le jeu de hasard, la divination par les entrailles des victimes ainsi que le tirage au sort ne sont qu'une abomination, œuvre du diable. Ecartez-vous en, afin que vous réussissiez. Le diable ne veut que jeter parmi vous, à travers le vin et le jeu de hasard, l'animosité et la haine, et vous détourner de l'évocation de Dieu et de la prière. Allez-vous donc y mettre fin ?». La préservation de la raison ne se limite pas à une simple interdiction des drogues, vins et autres spiritueux, elle se préserve aussi par la science qui constitue non seulement la base de toute acte réfléchi mais elle demeure le seul outil qui permette d'accéder à une connaissance parfaite de Dieu. Il est dit dans Sourate Fattir (28) : «Parmi Ses serviteurs, seuls les savants craignent Dieu.» C'est pour cela que le Coran nous invite dans bon nombre de ses versets à la contemplation et à la méditation, car si c'est par l'œuvre que l'on a une idée de l'artiste, c'est par ce qu'il a créé qu'on connaît Dieu. Dieu dit (3/190) : «En vérité, dans la création des cieux et de la terre, et dans l'alternance de la nuit et du jour, il y a certes des signes pour les doués d'intelligence». Sachez enfin, qu'un jour viendra où nous serons interrogés sur ces sens dont Dieu nous a fait don et qu'il est donc plus que temps d'insérer la cogitation et le raisonnement dans notre démarche religieuse. Dieu dit dans Sourate El Aâraf (7/179) «Nous avons destiné beaucoup de djinns et d'hommes pour l'Enfer. Ils ont des cœurs, mais ne comprennent pas. Ils ont des yeux, mais ne voient pas. Ils ont des oreilles, mais n'entendent pas. Ceux-là sont comme les bestiaux, même plus égarés encore. Tels sont les insouciants.»