Les espaces communs des pavillons se trouvent dans un état piteux. Cette année, ils seront quelque 69 000 étudiants, dont 6000 nouveaux, à regagner les amphis de l'Université Mentouri et ses facultés. Cité universitaire pour garçons du 8 Novembre 1971. Il est presque midi. Les dortoirs sont vides, seuls deux étudiants installés au foyer de la cité. Apparemment, ils viennent tout juste de se réveiller. Mais où sont les autres ? «On est jeudi et ils ont tous préféré rentrer chez eux», nous répond l'un deux. «Nous avons des examens de rattrapage, il n'y a qu'une dizaine d'étudiants dans à la cité. Tout est désert ici, aucun service ne fonctionne, c'est à peine si les agents de sécurité font leur boulot. Pour manger nous sommes obligés de faire le va-et-vient à la Fac et le soir nous descendons en ville. Mais comme nous n'avons pas beaucoup d'argent, nous nous contentons de grignoter quelques biscuits, comme ce fut le cas hier». La cité est en pleine rénovation de l'extérieur et de l'intérieur, et les travaux risquent de perdurer au moins quelques semaines, alors que la rentrée est prévue pour le 13 octobre. Des travaux qui seront bien utiles à cette cité qui se trouve juste en contre-bas de l'Université Mentouri, car durant des années, elle symbolisait le cœur des mouvements de protestations. Cette année, ils seront quelque 69 000 étudiants, dont 6000 nouveaux, à regagner les amphis de l'Université Mentouri et ses facultés. Officiellement c'est aussi à partir du 13 octobre prochain que les douzaines de cités universitaires de Constantine commerceront à accueillir le flux d'étudiants venus pour la plupart des wilayas de l'Est. Il faut dire que ces dernières années, pratiquement toutes les nouvelles constructions d'établissements universitaires (instituts, administrations et cités universitaires) ont été réalisées à la périphérie de la ville notamment à Ali Mendjeli et El Khroub. Par conséquent, les nouvelles cités U garçons et filles offrent plus ou moins des commodités correctes aux résidents. Mais, comme nous l'avons vu avec la cité 8 Novembre 1971, les anciennes cités U continuent d'accueillir les étudiants dans des conditions pour le moins regrettables. DES CONDITIONS D'HÉBERGEMENT LAMENTABLES La cité des 2000 lits pour filles est à quelques mètres de la cité des garçons. Sur place, une étudiante qui a terminé sa licence de français nous raconte ses trois années passées dans cette résidence. «Apparemment rien n'a changé, je suis venue il y a deux jours avec une cousine, nouvelle bachelière, pour lui faire un transfert de cité, car je ne veux pas qu'elle reste ici. J'ai constaté que les problèmes sont toujours les mêmes», nous dira l'étudiante qui, visiblement était soucieuse du cas de sa cousine. «J'ai passé trois années horribles. Nous étions quatre étudiantes entassées dans une chambre de 3 mètres sur 3, qui est normalement censée contenir seulement trois lits. A l'intérieur des chambres, tout est cassé : les lits et surtout les matelas sont sales. Les vitres sont aussi cassées et même le chauffage tombait en panne en hiver et des fuites d'eau inondaient nos chambres. Les couloirs sont crasseux, ça m'arrivait le matin de ne pas descendre au resto pour prendre mon petit déjeuner, car il y avait plein de cafards et partout de la poussière. Concernant les repas qu'on nous servait, nous mangions souvent des restes, ou des plats fades et froids, et il y avait toujours une queue qui durait 45 minutes. Il y a aussi le problème des toilettes,. Durant trois ans, je partageais les toilettes avec plus de 20 filles et il n'y avait ni porte ni lumière. A chaque fois que nous nous plaignions aux agents d'administration, leurs promesses restaient vaines, et parfois ils nous menaçaient». Les soucis ne s'arrêtent pas là, l'insécurité est aussi très présente dans cette cité U, et beaucoup d'agressions ont eu lieu à l'intérieur comme à l'extérieur. «Il y a d'abord les bagarres entre filles et entre syndicats. Puis, de temps en temps, des garçons qui ne sont pas étudiants s'introduisent dans les chambres», a-t-elle regretté. ETÉ ET RAMADHAN, PÉNIBLES POUR LES ÉTRANGERS Ils sont quelques centaines d'étudiants étrangers inscrits dans les différentes facultés, dont la majorité sont logés dans la cité U Slimane Zouaghi 1. Beaucoup d'entre eux n'ont pas eu la chance de rentrer chez eux durant l'été, certains depuis des années, et par conséquent ils sont restés dans une cité qui assurait un service minimum. Devant l'entrée principale de cette résidence, nous avons rencontré quelques-uns, dont un Ougandais et un Tchadien. Ce dernier, portant une tenue traditionnelle, nous confie : «Nous avons beaucoup de problèmes ici. Durant l'été rien ne fonctionnait. Les femmes de ménage ne venaient pas, toute la cité était sale, et même les agents de la maintenance étaient absents. Dans beaucoup de chambres il n'y avait pas d'électricité. Le vrai problème aussi c'est que les toilettes sont vraiment répugnantes. J'ai même eu des allergies à cause de cela». Durant le mois sacré, les étudiants musulmans ont dû surmonter une double peine, d'abord la fermeture du restaurant, ensuite celle de la mosquée. «C'est moi qui dirigeais les prières. Je partais à 17 heures au quartier Boussouf pour rompre le jeûne dans un restaurant de la rahma, et comme il n'y avait pas de transport, je rentrais à pied (environs 3 km) pour mener la prière dans une petite salle». L'Ougandais, quant à lui, nous parlera de l'été dans cette cité, où le temps semblait s'arrêter. «Il n'y a aucun loisir ici, nous étions renfermés dans la cité 24 heures sur 24 et beaucoup d'étudiants ont eu des problèmes mentaux». Un petit soulagement pour ces étudiants viendra sans doute avec la rentrée. Le mouvement de foule des autres étudiants leur fera oublier qu'ils ne sont pas seuls, mais les conditions de vie ne semblent pas s'améliorer.