A quelques encablures de l'université Mentouri de Constantine, se trouve la résidence universitaire du 8 novembre 1971, plus connue par El Firma, en référence à une ferme qui était implantée sur les lieux avant la construction des premiers pavillons. C'est une cité qui jouit d'une bonne réputation, sa proximité de l'université centrale y étant sans doute pour beaucoup. Pour la plupart des résidents, cette date, en l'occurrence le 8 novembre 1971, est une date qui ne signifie pas grand-chose. Ils ne savent même pas ce qu'elle représente, et nous renoncerons très vite à savoir plus, surtout après qu'un étudiant nous a lancé : « C'est le jour du décès du président Boumediene !? ». Il est 18h et tout le monde afflue en direction du restaurant : plutôt mourir que de rater le dîner de ce soir : purée et viande. En faisant patiemment la queue, les étudiants discutent de sujets divers ; une ambiance bon enfant caractérise les lieux malgré quelques rares rixes ici et là. Aussitôt le dîner terminé, les étudiants se dispersent un peu partout dans la résidence, les uns vont consulter leurs boites électroniques au niveau du petit espace Internet du coin, les autres pointent du côté du foyer où ils prennent un bon café en regardant les matchs des championnats européens, diffusés en boucle sur des chaînes sportives. La cité connaît des travaux depuis quelques mois, les murs qui l'entourent seront dorénavant un peu plus grands avec une peinture plus gaie. Il est à signaler que l'année passé, les étudiants avaient observé une journée de protestation (comme il y en a souvent), en bloquant la route à la circulation ; ils étaient indignés par les clôtures métalliques surplombant les murs de leur cité, la faisant ressembler à un parc zoologique, alors que l'administration avançait l'argument sécuritaire. Les syndicats présents dans la cité exploitent autant qu'ils peuvent les problèmes des résidants, sans pour autant proposer des solutions ; c'est ainsi qu'une pénurie d'eau peut très vite être utilisée comme faire-valoir dans les élections organisées chaque année à la résidence pour inciter les étudiants à voter pour un syndicat aux dépens d'un autre. C'est dire la « maturité » de l'engagement syndical, voire politique, qui règne au sein de la résidence universitaire. Aux abords des pavillons où se trouvent les chambres, des inscriptions sont visibles : location de lecteur CD et DVD chambre 12, vente tabac chambre 4, flexy et puce millénium disponibles chambre 7. Un commerce ayant pris de l'ampleur ces dernières années, à tel point où des produits illicites ont été proposés à la vente, notamment du kif. Tout le monde se rappelle des étudiants arrêtés l'année écoulée dans leur chambre en compagnie d'un dealer en possession d'une quantité de kif ayant écopé de peines d'emprisonnement. Mais, que l'on se rassure tout de même, tout n'est pas aussi noir dans cette cité, rien qu'à voir des dizaines d'étudiants courant autour du stade, à proximité de la résidence suffit à redonner de l'espoir. Il est 23h, et l'animation commence à s'essouffler. Mais avons-nous parlé trop vite ? Effectivement, au deuxième étage d'un pavillon, trois amis font la fête avec la radio à fond les décibels, et bizarrement cela ne dérange nullement les autres étudiants, lesquels sont déjà au lit. Ils pensent certainement au petit déjeuner du lendemain et à cette éternelle chaîne.