Le conflit en Libye constitue une menace pour la sécurité dans le Sahel et accentue un retour massif de Subsahariens vers leurs pays d'origine, indique un chercheur à l'Institut français des relations internationales (Ifri), Alain Antil. «Ce conflit fait peser une sourde menace sur le Sahel, contribuant à une géopolitique instable et inquiétante», affirme-t-il dans une tribune publiée dans le rapport annuel mondial sur le système économique et les stratégies (Ramses 2012). Selon lui, la guerre en Libye a eu pour premier effet une accélération de la circulation des armes dans la région. Le chercheur en veut pour preuve «tangible» l'interception en juin dernier d'un convoi par l'armée nigérienne dans le Nord du pays qui a permis de retrouver des armes libyennes, parmi lesquelles des missiles sol-air retrouvés plus tard dans les mains d'Aqmi. Pour le chercheur de l'Ifri, l'autre conséquence entraînée par le conflit est la mobilité des hommes. «Le retour de Subsahariens, chassés par la guerre et le fait parfois qu'ils sont attaqués ou pris à partie par les rebelles libyens qui les considèrent comme des mercenaires, est aussi problématique», ajoute-t-il. «Parmi les communautés de migrants sahéliens se trouvaient aussi des citoyens maliens, nigériens et tchadiens présents dans l'armée libyenne. Des Touareg du Mali et du Niger avaient en effet été intégrés notamment dans la région islamique libyenne, qui a servi de bras armé à la Libye dans de différents conflits», soutient l'expert en relations internationales. Et de prévenir que si le régime de Mouammar El Gueddafi s'effondre, ces soldats, pour éviter les représailles du nouveau pouvoir, «rentreront massivement dans leurs pays d'origine qui peineront à gérer la situation». Alain Antil cite, à cet effet, le «fragile» contexte du Tchad actuel, où un retour massif de travailleurs puis d'hommes en armes est, selon lui, de nature à ébranler l'équilibre politique et militaire de ce pays. Les 7 et 8 septembre, les participants à Alger à la conférence internationale réunissant les pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU et d'organisations internationales avec ses voisins du Sahel avaient établi que la crise libyenne a fait du Sahel une région déjà otage du terrorisme et de la contrebande, «une poudrière», avec l'arrivée massive d'armes, le retour de milliers de travailleurs migrants et de mercenaires.