5 millions d'électeurs seront conviés aux urnes demain pour élire le président de la République et renouveler l'Assemblée nationale sous l'œil des observateurs des Nations unies, l'Union africaine, l'Union européenne et l'Union maghrébine. Face au président sortant Zine El Abidine Ben Ali, 73 ans, qui a promis des élections «libres, honnêtes et transparentes », trois candidats (Ahmed Brahim du Mouvement Ettajdi, ex-Parti communiste, Mohamed Bouchiha du Parti de l'unité populaire et Ahmed Inoubli de l'Union démocratique unioniste) seront demain dans les starting-blocks. Sans aucune stratégie, du moins dans l'espace des endroits réservés à l'affichage comparativement à leur rival dont l'image est omniprésente pas seulement dans la capitale, mais dans toutes les chaumières de « la Tunisie qui croit en lui », nous dit-on, les « trois » ne semblent pas croire une seconde à leur arrivée au Palais présidentiel. Tout comme les candidats de leur parti respectif, de l'opposition ou des 15 listes des « indépendants » à l'Assemblée nationale. «La présidentielle a éclipsé les législatives », nous répondent les responsables de la Direction de la communication pour expliquer cette absence de campagne électorale des prétendants aux 214 sièges de députés. « Que peuvent-ils faire, eux ou même les trois prétendants à la présidentielle devant la machine mise en place par les 2,7 millions des militants du RCD ? », nous confie un chauffeur de taxi qui avoue qu'il se rendra au bureau de vote pour « voter Ben Ali ». Preuve de cette éclipse « imposée » par les meetings gigantesques, les portraits géants, et les banderoles violet et rouge qui flottent sur les bâtiments officiels et privés avec des affiches souvent à côté « Ensemble, relevons les défis », aucun responsable interrogé n'a pu nous donner le nombre des candidats à la députation ! À 24 heures du scrutin deux inconnues restent. La première. Ben Ali fera-t-il mieux qu'en 1989, 1994, 1999 et 2004 où il a raflé plus de 90 % des suffrages ? Les candidats du RCD, son parti, prendront-ils plus de 70 % des sièges ? Dans l'actuelle chambre il a 152 sièges. Pour donner à cette institution une image pluraliste (l'opposition a pris 19 sièges en 1994, 34 en 1999 et 37 en 2004), le pouvoir réservera dans la prochaine, 25 % à l'opposition. « Changer », les Tunisois que nous avons sollicités, boulevard Bourguiba, n'y pensent même pas. Pour eux, Ben Ali est encore « bon pour le service ». Malgré les 22 ans à la tête de l'Etat et quelques autres comme Premier ministre de Habib Bourguiba. « Nous avons besoin de lui pour aller de l'avant et rejoindre les rangs des pays avancés à l'horizon 2014 », estime un professeur universitaire. Selim, un jeune étudiant en économie, nous tient les mêmes propos. La raison ? Il est fier de pouvoir « voter » après la décision de Ben Ali, de ramener la majorité électorale à 18 ans. Même son de cloche du côté des futures élites qui portent comme ailleurs le pantalon taille basse et la cigarette sur les bouts des lèvres. Selim et ces élites en herbe ne sont pas les seuls à croire en Ben Ali qui a ciblé début 2009, les moins de 30 ans (un tiers de la population frappé par le chômage et l'émigration) avec sa campagne dite « le Renouveau ». Bien avant cette campagne, il a consacré 2008 « l'année du dialogue avec la jeunesse » avec des forums et des débats. C'est pour créer « la génération Ben Ali », nous souffle Amel, une journaliste d'une revue féminine. Les femmes, ces « chanceuses » de la nation arabe depuis 1956, n'ont pas été silencieuses. Comme le reste de la société civile, quelque 10.000 associations, elles expriment au quotidien leur soutien à celui qui a consolidé l'héritage de Bourguiba. Hier, à l'Espace du 13 août », un site de l'organisation des femmes tunisiennes, elles ont expliqué, en tant que femmes d'abord, en tant que chefs d'entreprise - elles sont 20.000 -, médecins, avocates, enseignantes ou femmes au foyer, le pourquoi de leur soutien et tiré à boulets rouges sur les « 3 à 5 rentiers des droits de l'homme qui s'agitent actuellement en Europe avec le président de Reporters sans frontières (RSF), Jean-François Julliard pour « dénigrer » le scrutin. «Avant 2007, il n'y avait pas de société civile, maintenant si et nous avons une voix, une présence qui compte » nous dit Mme Aziza H'tina, présidente de l'Union des femmes tunisiennes, reconnaissant comme Amel, une chef d'entreprise algéro-tunisienne que Ben Ali peut se targuer de n'avoir jamais mis quelqu'un sur la marge et d'avoir un projet de société. Tout est bien dans le meilleur des mondes ? «Non, il nous reste beaucoup à faire », disent-elles avec un sourire.