Après une campagne électorale de treize jours, les Tunisiens se rendront aujourd'hui aux urnes pour élire leur président et l'assemblée nationale. Grands enjeux : le taux que réussira l'opposition et celui de la participation. Zine El Abidine Ben Ali, 73 ans, qui s'était engagé à apporter « bien-être et prospérité » au peuple et élever la Tunisie « au rang des pays développés » pendant la campagne électorale (11-23 octobre) aura aujourd'hui, sauf miracle, son cinquième et dernier mandat de cinq ans. Selon la Constitution qu'il a amendée en 2002, l'âge de la candidature à la présidence est de 75 ans. « Je suis conscient que l'alternance n'est pas pour demain, mais au moins que le pays entendre des voix différentes», reconnait Ahmed Brahim, 63 ans, le leader d'Ettajdi (ex-parti communiste) qui se défend de faire de la figuration. Mohamed Bouchiha, 60 ans, du parti de l'Unité populaire, avoue qu'il s'est porté candidat pour une raison : « contribuer à l'évolution de la vie politique ». Ahmed Inoubli, 51 ans, de l'Union démocratique unioniste, qui prône « plus de réformes politiques », regrette, comme les deux premiers candidats, « les entraves » et « l'absence d'égalité de chances entre les candidats ». Selon un rapport de cinq ONG tunisiennes, 97,22% de l'espace réservé par la presse écrite à la campagne ont bénéficié au président sortant. Ce déséquilibre aurait été constaté pour les législatives. Le RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique), le parti du président, a, selon le même rapport, pris 69,9% de l'espace dans la presse publique et 50,7% dans les journaux privés. Les « trois » ne se font aucune illusion. Pas seulement à cause de ces entraves. Ils reconnaissent, à l'issue d'une campagne qui a évité la contradiction et les mots durs, que leur rival a réussi à faire de leur pays un, voire le « dragon de l'Afrique ». Avec Néjib Chebbi, 64 ans, le chef du Parti démocratique progressiste, la principale formation de l'opposition et Mustapha Ben Jaâfar, 69 ans, le responsable du Forum démocratique pour le travail et les libertés et l'ex-dirigeant de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, ils ont le regard fixé sur 2014. Certains évoquent déjà la nécessité de construire au lendemain de cette élection un « socle » sur lequel les Tunisiens pourraient ouvrir de nouvelles perspectives démocratiques. D'autres veulent rebondir sur le bilan politique du président candidat ciblé épisodiquement par certaines organisations non-gouvernementales tunisiennes et étrangères au grand dam de Tunis qui prône la politique des petits pas sûrs. « Nous allons continuer, avec sérénité et beaucoup de patience, à militer pour la cause de la démocratie dans notre pays », promet l'ancien défenseur des droits de l'Homme. Ahmed Inoubli semble avoir trouvé le thème de sa prochaine campagne : demander au gouvernement français une repentance pour le fait colonial. Il veut des excuses officielles et des indemnités. Sûr de lui, Ben Ali qui sait qu'il sera reconduit avec une majorité confortable –il a le soutien déclaré des centrales patronale et syndicale et de trois des huit partis d'opposition–, et que son parti, le RCD dominera au Parlement, joue sur du velours. Aux neuf partis qui ont présenté 181 listes aux législatives, soit 1078 candidats pour les 214 sièges, il « pousse » son parti à ne prendre au maximum que 161 sièges. Les 53 autres seront attribués, selon le nouveau code électoral, à la proportionnelle en fonction du total national de chaque formation politique de l'opposition.