L'itinéraire de Bachir Boumaza est semblable à celui de beaucoup d'hommes de sa génération. Il avait dix-huit ans quand surviennent les événements du 8 Mai 1945 qui ont fortement marqué sa conscience. Sa ville natale de Kherrata a été un foyer de contestation et un terrain de la répression coloniale. Plus tard, par fidélité à cette période, il sera le fondateur et premier président de la Fondation du 8 Mai 1945. Il ne cessera de lutter à travers elle pour faire reconnaître à l'Etat français sa responsabilité dans ce qu'il ne cessera de qualifier de crimes contre l'humanité. Ayant adhéré au PPA- MTLD dès l'âge de 15 ans, il connaîtra de près Messali qu'il accompagnera lors d'un voyage en 1951 dans la région de Bordeaux. Il prit parti pour le FLN et s'engagera dans la lutte au sein de la fédération de France. Il est torturé et incarcéré à Fresnes de 1958 jusqu'à son évasion en 1961 pour gagner l'Allemagne. Pendant sa détention, il mena plusieurs grèves de la faim et écrit «La Gangrène» qui paraît le 16 juin 1959. L' ouvrage est rédigé en collaboration avec Mustapha Francis, Benaïssa Souarni, Abdelkader Belhadj et Moussa Kebaïli. C'est un cri de dénonciation de la torture qui sévissait contre les militants algériens en métropole. A l'indépendance, il se retrouve du côté des opposants au GPRA et intègre les structures mises en place par le président Ben Bella. Il est d'abord commissaire à l'information et à la propagande, puis député à partir de septembre 1962. Il occupera successivement les fonctions de ministre du Travail et des Affaires sociales, ministre de l'Economie nationale, ministre de l'Industrie et de l'Energie et enfin ministre de l'Information entre 1962 et 1965. Il écrira notamment à la naissance de l'hebdomadaire Algérie Actualités, en octobre 65, «qu'une révolution qui ne sait pas rire n'est pas une révolution». Membre du conseil de la révolution qui déposa Ben Bella le 19 juin 1965, il s'opposera au nouveau cours des choses et se réfugie en France en 1966 pour ne revenir qu'au début des années 80. Il cessera toute activité politique jusqu'à son élection à la présidence du Conseil de la nation en 1997. Il partageait sa vie entre Alger et Lausanne. Comme l'ex-président Ben Bella, il s'était rendu en 1990 en Irak pour soutenir son peuple en butte à l'agression étrangère. Il avait été reçu alors par le président Saddam Hussein. Le poste de président du Conseil de la nation de janvier 1998 à avril 2001 fut sa dernière fonction officielle. L'homme était un politique et un fin lettré. Il avait une vaste connaissance de la culture française et comptait parmi les meilleurs spécialistes de Victor Hugo sur lequel il écrivit un livre. En novembre 2002, il prit part à une table ronde sur l'écrivain organisée par le sénat français aux côtés de Slimane Benaïssa et de Marek Halter. Il pouvait réciter de mémoire ses vers et ceux de Si Mohand. Il était aussi l'auteur de «Ni Emir ni Ayattolah» publié en 1979. Il y évoque l'histoire et le destin du monde arabe, la montée de l'islamisme et l'assassinat de Benyahia. L'Algérie pleure en Boumaza un militant et un intellectuel. Arrivée de la dépouille mortelle à Alger La dépouille mortelle de l'ancien président du Conseil de la nation, Bachir Boumaza, décédé vendredi en Suisse à l'âge de 82 ans des suites d'une longue maladie, est arrivée hier à l'aéroport Houari-Boumediene. Le président du Conseil de la nation, M. Abdelkader Bensalah, le président de l'Assemblée populaire nationale, M. Abdelaziz Ziari, des membres du gouvernement et des compagnons du défunt étaient présents à l'arrivée de la dépouille. La dépouille de Bachir Boumaza sera exposée aujourd'hui dans la matinée au siège du Conseil de la nation où un dernier hommage lui sera rendu. L'inhumation aura lieu le jour même au cimetière d'El-Alia.