Les lettres de l'alphabet rendent vivante une ville. Grâce aux renseignements donnés par les enseignes, les panneaux d'information ou les noms des rues, la ville redevient présente, active et pleine de vie. Ces indications reflètent l'âme de la culture des habitants de ce vaste espace urbain. Verena Gerlach, une jeune Allemande native de Berlin, qui s'est formée aux beaux arts dans la spécialité du design et de la calligraphie, a entamé des recherches dans cette métropole, montrant l'importance de la création en calligraphie dans l'identité et l'histoire de ses habitants. C'était le sujet de sa conférence organisée sous l'égide du Goethe Institut et donnée cette fin de semaine au siège de la fondation Friedrich Ebert. La ville de Berlin offre un vaste terrain d'investigation dans ce domaine de la calligraphie urbaine. La séparation de cette ville par un mur de plus de quarante ans a créé deux mondes bien différents, deux conceptions de l'existence, basées sur un système de société aux idéaux opposés. Ce qui est surprenant, c'est que jusqu'à la fin de la guerre mondiale, l'unité identitaire de Berlin était totale. Ainsi avec la création de la République démocratique allemande ayant la partie est de Berlin pour capitale, une ère nouvelle surgissait pour cette partie orientale. Ici, les moyens faibles dont disposaient ce nouveau pays ont été une chance pour la conservation des anciennes inscriptions, reflétant le caractère spécifique de la ville de Berlin. Ces inscriptions n'ont presque pas été renouvelées comme ce fut le cas à Berlin Ouest. Ces vestiges de l'époque de la ville avec son cachet propre ont été pour Verena Gerlach un support précieux pour mener à bien ses recherches sur l'art de la calligraphie urbaine. Elle a mis au jour des inscriptions conçues dans les lettres de cette époque se rapportant à la première moitié du vingtième siècle. Ces lettres ont été relevées sur les enseignes de magasin, dans les noms des rues, dans les panneaux de signalisation de la ville, dans les bâtiments d'importance stratégique à l'image de l'imposant maison des enseignants du temps de la RDA et devenue plus tard un lieu de rencontre et un siège de création pour les artistes de toutes les disciplines. Les dernières découvertes dans ces lettres ont composé l'affiche appelant à une manifestation pacifique contre l'existence du mur par les habitants de Berlin Est. Cet appel daté du 4 novembre 1989 était le dernier, puisque le mur s'est écroulé, sans violence, cinq jours plus tard, le 9 novembre de cette même année. En rassemblant ces données et ces traces de la culture urbanistique de la ville de Berlin Verena Gerlach a restitué, par la calligraphie et l'originalité des lettres, le caractère intrinsèque et véritablement authentique de la ville de Berlin. Son travail original de recherche sert d'école, démontrant que l'art de la calligraphie constitue un support de valeur pour se réapproprier l'âme d'une ville, sa mémoire vivante et de restituer les étapes de son histoire.