Photo : Slimene SA. La justice algérienne réserve un traitement « spécifique » aux enfants. Le projet de loi bientôt débattu en Conseil des ministres, le confirme puisque les enfants âgés de moins de 18 ans accusés d'infractions bénéficient tous de mesures protectrices et ne sont emprisonnés que pour des cas délictueux très graves, alors que la responsabilité pénale de l'enfant comme stipulée par ladite loi est fixée à 10 ans. C'est ce qu'a confirmé, hier, Mme Meriem Cherfi, juge des mineurs en marge d'un séminaire organisé au siège de la résidence des magistrats à l'initiative du ministère de la Justice. Cette rencontre de deux jours s'intitule «Ensemble pour une meilleure protection de l'enfance». Mme Cherfi explique pour éviter toute polémique sur la question que la loi actuelle et celle qui sera promulguée très prochainement comportent toutes les deux des dispositions très souples à l'égard de cette frange sensible de la société, affirmant à titre de précision que jusque-là les enfants âgés entre 10 et 13 ans ne sont jamais mis dans des prisons. Ils sont soumis directement à des mesures de protection, soit dans des centres de réhabilitation ou dans des centres de rééducation. Au-delà de 13 ans et jusqu'à 18 ans, la même politique est appliquée, sauf pour des cas très infimes. Pour preuve, déclare notre interlocutrice, le nombre des mineurs se trouvant actuellement dans des établissements pénitentiaires ne dépasse pas les 500 personnes. Dans ce cas-là, les concernés sont mis dans des départements isolés, de manière à leur éviter des contacts avec des criminels endurcis. Dans le cadre de cette rencontre, M. Messaoud Boufercha, secrétaire général du ministère de la Justice, indique au nom du ministre de la Justice, garde des Sceaux, M. Tayeb Belaiz que ce séminaire national sur la justice des mineurs se veut une occasion pour réunir tous les acteurs concernés par l'enfance autour d'une même table afin de songer à des mécanismes de communication intersectoriel, dans l'optique de mettre en place une stratégie de prévention sociale et judiciaire pour l'enfance. Et ce, en prenant en compte les conventions internationales ratifiées par l'Algérie. «L'enfance a été et est toujours» une préoccupation majeure du président de la République, dira M. Boufercha précisant sur sa lancée que les garanties législatives ont été établies sur le fait que l'échec des enfants est avant tout une résultante d'une mauvaise éducation familiale ou scolaire. Ce qui implique, selon lui, une prise de conscience de la part de ces deux parties dont le rôle est plus que crucial dans la société. L'Algérie ayant ratifié le 19 décembre 1992 la convention internationale des droits de l'enfant et les deux protocoles ayant succédé à cet accord, a été parmi les premiers pays à s'engager dans une politique de prévention à l'égard de l'enfance, poursuit le SG du ministère de la Justice avant de rappeler que le projet concernant la protection de l'enfance, contenant des dispositions pour protéger les enfants délinquants et les enfants soumis à des dangers, est en phase de préparation. Et puisque le projet n'a pas encore été soumis au Parlement, toutes les recommandations allant dans ce sens sont les bienvenues, conclut-il. LA PRÉVENTION, LE PARENT PAUVRE DE LA PROTECTION M. Emmanuelle Fontaine, représentant permanent de l'UNICEF en Algérie, estime, pour sa part, que « la communication en Algérie est quelque chose sur laquelle il faut se pencher sérieusement. Mais, globalement, indique-t-il, « les indicateurs sont positifs » en termes de prise en charge de l'enfance. Toujours est-il, « de grosses disparités demeurent de mise, par exemple entre les régions du Sud et du Nord et la pauvreté qui diffère d'une wilaya à une autre. Beaucoup de choses restent à faire et il faudrait prendre conscience avant tout de l'état des lieux », soutient-il. M. Filali Kamel, vice-président de la Commission internationale des droits de l'enfant, indique que le modèle courant de la justice des mineurs actuellement se base sur la réparation et la prévention, avant de rappeler les principaux articles de la convention internationale des droits de l'enfant, notamment l'article 37 stipulant que nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : ni la peine capitale ni l'emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne doivent être prononcés pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de 18 ans et nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. M. Filali estime qu'en Algérie il existe à l'égard des enfants «une justice répressive basée aussi sur la clémence » dans l'existence de mesures de grâce au profit des jeunes délinquants. Il recommandera à titre de suggestion d'opter pourquoi pas pour la « médiation » et ce pour empêcher l'enfant de mettre le pied dans le circuit judicaire. A propos de la responsabilité pénale de l'enfant, il indiquera que la norme internationale l'a fixé à moins de 12 ans. Il se posera la question néanmoins « à combien est le budget alloué pour la protection de l'enfance en Algérie ? ». Mme Sakhri Mebarka, magistrat, préfère hausser le ton pour dire que la prévention est malheureusement le parent pauvre de la protection, dont on ne parle jamais, remettant en cause dans la foulée le role des SOEMO (service d'orientation et d'éducation en milieu ouvert) qui, d'après elle, manque de moyens et d'initiatives. L'oratrice va plus loin encore pour dire que les institutions et la famille sont complètement démissionnaires. Ce qui implique de se mettre à l'action dans les plus brefs délais.