Le continent européen n'a pas fini d'apprivoiser ses démons qu'on avait crus trop tôt assoupis. On croyait pourtant après les horreurs inimaginables de la Seconde Guerre mondiale et les atrocités des conflits des Balkans qu'une page s'était définitivement fermée. Le Vieux continent allait tourner le dos aux mauvais génies pour devenir un ensemble de pays où le respect des valeurs humaines ne serait pas seulement inscrit aux frontons des institutions. Se réconcilier avec les valeurs fondatrices de l'Europe foulées aux pieds par les conquistadors et les colons était un impératif de l'Histoire. Depuis une vingtaine d'années, la tendance globale indique plutôt le contraire et un vent putride souffle partout. Au recul des partis de gauche porteurs des grandes idées de fraternité a succédé l'apparition de nouveaux partis qui ne se cachent plus d'être des extrémistes. En Allemagne, en France, en Hollande, ils sont désormais des éléments de l'échiquier politique défaisant les majorités. C'est en faisant les yeux de Chimène aux sympathisants et électeurs du Front national que Sarkozy a damé le pion à ses adversaires. Un homme comme Berlusconi, par ailleurs englué dans des affaires qui relèvent de la délinquance ou de l'outrage à la morale, s'était déjà distingué par des paroles blessantes pour la culture des musulmans. Beaucoup de dirigeants européens ne divergent pas réellement avec lui. Le temps où Louis Pasteur demandait à ses patients non l'origine ethnique mais celle de la souffrance, semble bel et bien révolu. Partout on sent cette montée inexorable de la xénophobie qui se traduit par la fermeture des frontières. Pas seulement aux musulmans mais aussi aux Chinois et même aux réfugiés qui croient encore trouver un îlot pour fuir les guerres. A tous ceux qui en d'autres temps on a fait venir pour libérer puis reconstruire ce que les idéologies nées en Europe même ont détruit. Il faut toujours garder à l'esprit que l'émigration chargée de tous les maux est une fille naturelle de la colonisation. C'est une conséquence de l'expropriation et du pillage des pays des émigrants. Beaucoup d'intellectuels et de politiques affichent désormais avec morgue et suffisance un complexe de supériorité qui confine parfois au racisme primaire. Ces morbides et masochistes débats relèveraient de la politique interne si les conséquences ne se faisaient pas sentir ailleurs. C'est cette crispation qui est le carburant des ressentiments dans les pays du Sud. En confortant ouvertement le refus et déni des autres cultures, en stigmatisant les porteurs d'autres façons de voir et de vivre, on affaiblit le camp des démocrates. De tous ceux qui ont cru naïvement aux valeurs prétendument humanistes et universalistes. Encore une fois, l'abus de confiance est flagrant.