…Le développement de la pensée logique fait comprendre aux élèves la nécessité en tout domaine de recourir à des principes, d'observer des règles, de suivre un ordre… La première question que l'on peut se poser est celle de la place d'un travail sur les habiletés cognitives visant à développer des compétences transversales. Trois options sont possibles dont les implications sont de portée différente pour le système scolaire. Le choix entre celles-ci est depuis longtemps objet de débats et d'interrogations. - Une première hypothèse est la juxtaposition des programmes disciplinaires et d'un temps dédié aux apprentissages métacognitifs. Il s'agit là d'une solution légère et souple, qui ne remet pas en cause une organisation centrée sur les contenus disciplinaires, mais qui soulève la question de la place laissée à ce temps additionnel et celle de la prise en charge de celui-ci… - Une deuxième approche peut se concevoir autour d'une conception plus duale. Le temps disciplinaire coexiste avec un autre champ, celui des apprentissages de compétences transversales. Dans cette option, ce deuxième champ est institué comme partie intégrante et principale, au même titre que les contenus, disposant du même statut de valeur au sein du curriculum… - Une troisième hypothèse verrait champs disciplinaires et compétences transversales cohabiter, c'est-à-dire faire l'objet d'une intervention concomitante de la part des membres de l'équipe pédagogique. Cette dernière méthode a suscité débats et affrontements que nous devons mentionner.» Michel Noir s'interroge sur la finalité de l'enseignement scolaire : «Quelle finalité ? Est-ce le respect de programmes ou bien la vérification que les élèves ont acquis des apprentissages, c'est-à-dire des utilisations possibles de connaissances dans des contextes différenciés ? Dans les deux cas, la compréhension de l'objectif global à atteindre, du «produit final» qu'est la réussite éducative du sujet est nécessaire pour bien maîtriser la partie de la chaîne dont on est responsable. Et, d'évidence, dans l'hypothèse d'une finalité axée sur les apprentissages transférables, cette obligation de maîtrise du sens global est impérieuse. Il y a, deuxièmement, l'image forte de l'éclatement de la tâche entre plusieurs acteurs, éclatement dont on infère qu'il conduit à un appauvrissement de la tâche et à un intérêt minoré de par l'absence de vision globale de l'ensemble du processus d'apprentissage. Lisons, pour illustrer notre interrogation sur la finalité, ce que les instructions officielles définissent comme finalité pour le collège, s'agissant d'une compétence transversale primordiale, la logique : Le collège doit développer la pensée logique. Seul le développement de la pensée logique permet à l'élève d'exercer son jugement et de penser par lui-même. Le développement de la pensée logique fait comprendre aux élèves la nécessité en tout domaine de recourir à des principes, d'observer des règles, de suivre un ordre. On accentuera progressivement sans rupture avec l'esprit des classes antérieures, l'entraînement au raisonnement déductif. - Comment l'ensemble des acteurs d'une équipe pédagogique d'une classe de collège peuvent-ils atteindre cet objectif ? Est-ce chacun séparément à l'intérieur de sa discipline ? Ou bien est-ce à travers un travail en commun visant à concevoir des contextes de transférabilité à partir de son domaine vers les autres domaines ? Plusieurs voies ont été explorées dans le but de répondre à cet objectif d'un curriculum plus intégrateur, que nous présenterons dans un ultime développement. C'est en les examinant que nous pourrons revenir à la question initiale de notre recherche de la place possible du jeu d'échecs dans le curriculum scolaire.» Noir reconnaît «De l'évidence expérimentale à l'utopie scolaire, et de l'utopie au changement, il y a le long et difficile chemin sur lequel le poids du présent et le scepticisme d'un système et de certains de ses acteurs compteront beaucoup» car : « Si l'on regarde ce qu'a été l'évolution au fil du temps depuis que l'école de la République existe, on ne peut que constater la tendance inexorable à la multiplication des savoirs et des disciplines. Une telle logique est-elle viable ? Nous connaissons depuis quelques décennies une accélération inédite des savoirs nouveaux, et un tel processus ne peut qu'amplifier la fragmentation des savoirs. Le système scolaire a évolué, certes à une moindre échelle, dans le sens de cette « disciplinarisation » et de cet éclatement. Trop souvent, cela a signifié une tendance a ignorer les territoires communs, singulièrement en termes de méthodologie. L'idée « d'inter didactique » peut-elle mettre un coup d'arrêt à cette évolution ? Il s'agit là d'une question et d'un enjeu qui ne pourront être ignorés à l'avenir. La logique d'apprentissage postulée par « l'inter didactique » n'est plus une logique de discipline. Il en découle une didactique qui n'est plus centrée sur un contenu mais sur des situations-actions propres à faire travailler sur les transferts entre savoirs. Les exemples développés dans notre groupe d'expériences aussi bien que dans notre didacticiel attestent de l'utilité du jeu d'échecs comme moteur de génération de situations-actions propres au développement des compétences transversales et des habiletés cognitives. Nous avions fait le choix d'un champ limité d'application de notre recherche sur la didactique du transfert, celui du jeu d'échecs. Et ce choix est trop circonscrit à un domaine au regard des stratégies pédagogiques et des curricula. Cela pour autant ne nous interdit pas de poser une question : peut-on imaginer que le jeu d'échecs soit un jour inscrit dans le curriculum scolaire en tant qu'outil d'éducabilité cognitive ?