Le Yémen, l'un des états les plus pauvres du monde, figure aujourd'hui, à côté de la Somalie, de l'Afghanistan et des zones tribales du Pakistan, comme un repère d'Al-Qaïda. Sera-t-il le prochain champ de bataille des États-Unis et de la Grande-Bretagne ? Une partie de la réponse à cette question sera donnée à Londres le 28 janvier prochain : la Grande-Bretagne a convoqué une conférence internationale sur l'action antiterroriste au Yémen, parallèlement à celle programmée sur l'Afghanistan. Washington et Londres qui ont laissé Sanaa lutter sans moyens contre cinq «ennemis», les houthis au Nord depuis 2004, les «séparatistes» au Sud depuis 1990, la menace terroriste, l'opposition intérieure et la crise économique, laissent entendre qu'elles veulent anéantir Al-Qaïda qui veut transformer le pays en sanctuaires pour les terroristes, comme le Nigérian qui a, le 25 décembre dernier, en cherchant à sauter un avion de ligne américain entre Amsterdam et Detroit, propulsé la seule république de la Péninsule arabe à l'avant-scène des enjeux de la sécurité mondiale, comme l'a fait la nébuleuse terroriste en 2000 en s'attaquant à l'USS Cole, le navire américain, dans la rade d'Aden. Prétexte avancée pour «justifier» leur «inéluctable» prochaine intervention militaire dans un Yémen affaibli par les guerres et la pauvreté au point où l'autorité s'étend à peine au-delà de la capitale : l'aide qui pourrait être donnée à Ali Abdallah Saleh qui fêtera cette année ses trente-deux ans à la tête de l'Etat, sera utilisée contre d'autres groupes rebelles. Selon les américains, le pouvoir yéménite qui est confronté à une rébellion armée dans le nord et dans le sud, estime que la menace d'Al-Qaïda est moins dangereuse pour lui. «Le régime exploite la guerre contre Al-Qaïda à son avantage pour attirer des aides de l'étranger et brider son opposition» estime Franck Mermier, anthropologue et spécialiste du Yémen, accusant Sanaa de « qaïdiser » ses ennemis. Curieusement, le Sud, qui constituait un Etat indépendant jusqu'en 1990, a observé une grève pacifique hier pour protester contre ….les tentatives du pouvoir central «de faire l'amalgame entre le mouvement sudiste et Al-Qaïda». Les experts de la «pieuvre» ont beau expliquer aux Américains et Britanniques que cette décision pourrait donner des «arguments» au réseau de Ben Laden pour recruter parmi ceux qui «n'ont aucun espoir d'avenir, aucun travail, aucun moyen de rattraper le monde développé » mais en vain. Même s'ils rassurent du bout des lèvres «pour le moment» pour reprendre l'expression de John Brennan, le conseiller anti-terroriste d'Obama. Leur participation aux bombardements des 17 et 24 décembre contre des camps présumés d'Al-Qaïda où des quelque 300 éléments s'entraineraient pour s'en prendre aux intérêts occidentaux ou des monarchies du Golfe est du domaine public. Des militaires américains sont déjà sur le terrain pour affronter l'organisation terroriste qui risque de devenir « plus dangereuse qu'en Afghanistan à cause de sa proximité des ressources pétrolières et des voies maritimes dans le Golfe ». Selon le New York Times du 28 décembre ils seraient déjà sur place pour épauler l'armée yéménite suite au feu vert que leur a donné le 19 décembre, Obama. Officiellement, ils entrainent des unités antiterroristes yéménites. M. Ali Abdallah Saleh qui appelle régulièrement tous les groupes d'insurgés actifs dans son pays, en particulier ceux affiliés à Al-Qaïda, à renoncer à la violence et à dialoguer avec le gouvernement, sera-t-il entendu ? De la réponse à cet appel dépend l'avenir du Yémen. Seul un dialogue peut mener à une solution, qu'il s'agisse de l'insurrection dans le nord, des demandes des sudistes ou de l'opposition interne, déçue par le report de deux ans des élections législatives qui étaient prévues en 2009, estiment les analystes appelant les pays du Golfe à apporter une aide «sous la forme d'un plan Marshall» à leur pauvre voisin.