La victoire du candidat de la coalition de droite, Sébastien Pinera, élu le 17 janvier à 51,61% des suffrages (-contre 48,38% pour l'ancien président Frei), a marqué un tournant majeur dans le sous-continent américain, marqué par la déferlante socialiste. Le cas chilien participe de cette remise en cause de l'héritage de gauche qui a plus souffert des querelles de leadership et des dissensions internes que d'un quelconque refus de l'alternative démocratique. Le meilleur exemple en est justement la cote de popularité de la présidente sortante, Mme Bachelet, trônant sur les 80%, et son brillant parcours attesté par le bilan plus que satisfaisant reconnu par son successeur. Lassitude ? Usure ? Par delà les insuffisantes programmatiques, en matière de réformes éducatives et sanitaires, la non éligibilité constitutionnelle de Mme Bachelet qui ne pouvait briguer deux mandats constitutifs a constitué un frein quasi-insurmontable. Plus qu'un changement de gouvernance, le passage du témoin se prévaut nécessairement de la volonté de continuité pour « faire tomber les murs » des divisions et favoriser le retour à l'union sacrée. Dans sa première allocution, le président élu a déclaré : «nous avons besoin non seulement d'un bon gouvernement, mais aussi d'une bonne opposition qui travaille de manière constructive à bâtir un pays pour tous». Il se réclame de la nécessité d'entretenir l'élan pour «prolonger nombre de bonnes réalisations… et, bien sûr, de faire face aux défis». Le choix ancré d'une « économie sociale de marché» repose sur un programme ambitieux qui vise la réalisation d'un million de logements, le doublement du revenu par tête d'habitant de l'ordre de 12.000 dollars US/an actuellement et un taux de croissance estimé à 6%. Promesses de campagne ? Le retour aux affaires de la droite chilienne, 20 ans après la chute de la dictature du régime honni d'Augusto Pinochet, est en soi un défi majeur dans laperspective de la normalisation démocratique de la droite décomplexée et libérée d'un héritage contesté. «Le pays voulait un changement. Nous, à droite, on voulait quelque chose de bien pour le pays, démontrer qu'on veut vivre en paix et non dans la haine", lançait une électrice, en référence aux séquelles pesant sur toute la droite depuis la dictature. Pour l'heureux élu, «la démocratie, que nous avons reconquise de façon si exemplaire à la fin des années 80, a progressé en force et en maturité, et après 20 ans (...) a opté pour l'alternance", a déclaré Pinera à plusieurs milliers de partisans, réunis sur une place du centre de Santiago. Fin d'époque.