La route de la soie passe par la rue Bouzrina, Tout le‘‘package artisanal'' y est sous les arcades qui portent le sceau du pionnier des fameux magasins Hadjout. Le négoce de la soie, de l'habillement traditionnel se trame doucement mais sûrement. De fil en aiguille on remonte l'histoire d'une épopée qui fait jaser Marco Polo pour dire qu'à Alger, la soie est passée de main en main entre Andalous, Maures, Turcs pour atterrir dans les bras d'un grand monsieur à qui on doit ces pratiques artisanales. Et par ricochet, un florissant marché où on trouve tout le raffinement festif des grands jours. La rue a gardé jalousement son cachet, des dizaines de magasins bien achalandés étalent leur panoplie d'un textile dégageant la fragrance des mille et une nuits. On viendra toujours chercher la panoplie de la mariée, ou l'attirail circonstanciel pour les jours de circoncision. Les trousseaux de toilettes pour bain maure, accompagnés de la fameuse quincaillerie argentée que les dinandiers de la rue du Lézard vous proposent pour compléter votre processus esthétique continuent à défier une invasion culturelle qui butte au seuil des magasins. Hadjout, c'était le temps du faste où on venait faire du lèche vitrine et admirer les fameuses poupée de Hadjout (Premiers mannequins en cire introduits par Hadjout). Ce grand pan de l'histoire de l'artisanat continue à subsister timidement mais indispensablement dans ces dédales de la basse Casbah. Le ‘Haik' (voile) maître des lieux, nous indique à chaque halte devant ces somptueux échoppes qu'Alger la blanche reste aussi pudique que Mezghena à laquelle elle doit un legs aussi vivant. Signe des temps, le vent a tourné balayant sur son chemin les dernières fresques andalouses. Les poupées de Hadjout reviennent toutefois cette semaine pour orner un printemps de tous les tourtereaux. Guidés par leur instincts de grands templiers des traditions algéroises, elles sont de retour quand même à la rue Bouzrina pour savourer une timide renaissance qui, un tant soi peu, replonge les futures prétendantes à l'âge du fil d'or. On ne saurait nous départir de ce bout d'histoire. Pour les adeptes de l'art traditionnel, toute une fête en dentelle se trame sous les voûtes abritant les magasins de celui qui fut le promoteur de la soie en Algérie. A l'approche de la saison fatidique des fêtes et mariages qui se tiennent généralement à l'orée du printemps, l'on déploie déjà les magnifiques costumes brodés de fil d'or. Il y a foule le long de cette légendaire artère qui, jadis drainait toutes les couches sociales du vieil Alger pour en faire la Mecque des artisans en quête de soie.