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Déclaration faite devant le tribunal de la Seine, le 8 octobre 1958 Un ancien détenu de la Fédération de France témoigne
50E ANNIVERSAIRE DE LA PROCLAMATION DU GPRA
«Lors de la création du Gpra, je me trouvais à la prison de Fresnes, Ecrou-26216- cellule 182, la plus grande prison de France.» Je me présente: Ghafir Mohamed, dit Mohamed Clichy, alors âgé de 24 ans en 1958, ancien militant et responsable au sein de la Fédération de France du FLN. chargé de la Banlieue Nord de Paris y compris le 17e arrondissement. Arrêté le mercredi 8 janvier 1958 par la DST, rue des Saussaies, (les journaux de l'époque ont largement relaté mon arrestation). Lors de la création du Gpra, je me trouvais à la prison de Fresnes (écrou-26216- cellule 182), la plus grande prison de France où se trouvait la majorité des cadres de l'organisation F.L.N, y compris les «Cinq» victimes du premier piratage aérien de l'histoire moderne. La deuxième division de cet établissement carcéral était réservée aux détenus FLN au nombre de 1 500. Les détenus MNA et les droits communs étaient cantonnés dans la première division. J'ai été membre du comité de détention, chargé de la commission socioculturelle, parmi d'autres militants, les frères Bachir Boumaza, Kebaïli Moussa dit Derradji, Hadj-Ali Ahmed, Benaïssa Mohamed, Mustapha Francis et Belhadj Abdelkader, chacun étant responsable d'une commission, droits politiques obtenus après plusieurs grèves de la faim. Les «Cinq» ont été nommés ministres du Gpra dès sa proclamation. Il s'agit des frères Mohamed Boudiaf, Hocine Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella, Mohamed Khider et Rabah Bitat lesquels se trouvaient à l'infirmerie de l'hôpital central de Fresnes. Ils ont donné des consignes au comité de détention de la deuxième division, par l'intermédiaire des avocats du collectif du FLN, Mourad Oussedik et Abdesmad Benabdallah. Ces derniers ont instruit les responsables devant comparaître face à la juridiction française, de faire une déclaration politique, contestant la justice française: «Le peuple algérien a son gouvernement depuis le 19 septembre, seul capable de lui administrer sa justice». Le hasard a voulu qu'au sein de la prison de Fresnes, je devais comparaître le 8 octobre 1958 devant la 10e chambre d'appel, ayant été condamné à deux ans de prison ferme le 30 juillet 1958 par la 16e chambre correctionnelle de la Seine. Détenu à Fresnes à 24 ans Les détenus devaient faire devant le tribunal français une déclaration lors de leur comparution devant les juges. Le texte a été rédigé conjointement par les 5 ministres du Gpra emprisonnés à Fresnes, le comité de détention et le collectif des avocats, texte que j'ai appris par coeur du fait qu'il est interdit aux détenus de prendre aucun papier sur eux lors de leur comparution devant le tribunal. Le frère Oussedik m'avait fait des répétitions dans le parloir de la prison tout en me donnant des consignes sur l'attitude à prendre dans le box des accusés face au tribunal. Notre procès coïncidait avec un évènement important qui allait constituer un nouveau tournant de la Révolution algérienne, après le Congrès de la Soummam du 20 Août 1956: la proclamation solennelle du Gouvernement provisoire de la République algérienne, le 19 septembre 1958. Le jour J, dans le box des accusés, en compagnie d'autres détenus, le président du tribunal a appelé mon nom et prénom en me disant: «Inculpé, levez-vous!» Après la lecture d'usage de mon inculpation et les motifs des délits pour lesquels j'étais poursuivi: atteinte à la sûreté extérieure de l'Etat (Asee), il m'a posé la question: «Avez-vous quelque chose à dire?». Je me suis levé en me mettant dans la position digne d'un djoundi et fixant droit dans les yeux le président, j'ai récité ma leçon calmement et posément, en martelant quelques mots, suivant les consignes reçues. De temps en temps je jetais un coup d'oeil sur Mourad Oussedik qui me fixait de son regard à travers ses grosses lunettes en me faisant des signes d'encouragement avec ses sourcils et les traits de son front. Le président m'a donné ordre de m'arrêter et ordonné à la police de me faire sortir du box. Maître Oussedik s'est levé en demandant au président, «Laissez mon client terminer ce qu'il doit dire répondant à votre question». J'ai continué ma déclaration jusqu'à la fin, malgré la bousculade du policier derrière moi. Cette déclaration, je l'ai faite devant le tribunal à l'âge de 24 ans. Je la dédie à notre jeunesse pour qu'elle prenne conscience des sacrifices consentis par tout le peuple algérien pour que vive l'Algérie libre et indépendante. Monsieur le président, Nous sommes des Algériens, a ce titre, nous n'avons fait que notre devoir au service de la révolution de notre peuple. Nous nous considérons comme des soldats qui se battent et savent mourir pour leur idéal. Ainsi, nous faisons partie intégrante de l'Armée de libération nationale. Nous avons des chefs à qui nous devons obéissance. Nous avons un gouvernement, le Gouvernement provisoire de la République algérienne (G.P.R.A), que nous reconnaissons seul capable de nous administrer sa justice. Nous déclinons ainsi la compétence des tribunaux français. Quel que soit votre verdict, nous demeurons convaincus que notre cause triomphera, parce qu'elle est juste et parce qu'elle répond aux impératifs de l'histoire. Face à ce tribunal, à la mémoire (des martyrs algériens morts pour la libération de leur patrie, nous observons une minute de recueillement. Garde- à-vous! Vive l'Algérie libre et indépendante! Vive le Front de libération nationale et son A.L.N! Vive la République algérienne! Vive la Révolution algérienne!