C'était une vieille dame au visage tatoué. Vieille ? On ne saurait le dire maintenant. Mais du haut des jeunes années de l'enfance, toute personne qui dépasse la trentaine était classée dans la catégorie des anciens. Ainsi en est-il de Khalti Berrouaghia. Une ogresse ? Habitée par quelque djinn ? Extraterrestre ? La vieille Berrouaghia était myope et portait des verres à double foyer ce qui lui donnait un air quelque peu inquiétant malgré sa grande bonté envers les adultes et les enfants. Gentille, affable, le verbe plaisant, Berrouaghia avait hérité ce surnom de l'appellation de la ville dont elle était originaire. En fait elle s'appelait Fatma.Veuve, elle n'a jamais eu d'enfants, déversant sa tendresse sur tous les rejetons de son voisinage. Au seuil des fêtes religieuses, les jours devançant le mois sacré, aux périodes dites « chaudes» celles qui sanctionnent le moussem, date où le visible et l'invisible se côtoient, Khalti Berrouaghia sans être une voyante ou quelconque visionnaire devenait une autre personne et tombait malade. On raconte que son ventre enflait anormalement comme une femme à la veille d'accoucher et que de son ventre on entendait un lion…rugir. Elle même devenait autre et son physique subissait des transformations jusqu'à devenir méconnaissable. Et lorsque la gentille madame commençait à se laisser envahir par la mélancolie, ses voisins de Fontaine Fraîche savaient que le temps était proche où :«Berrouaghia allait être possédée par le fauve». On raconte encore qu'elle pouvait rester alitée durant des semaines. Puis se réconciliait avec elle-même. En attendant le retour du roi de la jungle …