Photo : Zoheïr Par Mekioussa Chekir La France consentira-t-elle un jour à regarder en face ses responsabilités historiques durant la période coloniale en Algérie en reconnaissant ses crimes contre l'humanité et en procédant à rendre justice comme il se doit aux victimes algériennes ? C'est la question principale qui interpelle toujours les différents gouvernements français, héritiers du délicat tribut de la France coloniale et qui est revenue, hier, lors du colloque international organisé à Alger sur les essais nucléaires français en Algérie et leurs lourdes conséquences sur la santé humaine et l'équilibre environnemental. Une rencontre organisée par le ministère des Moudjahidine et qui est rehaussé par la présence d'éminents spécialistes nationaux et étrangers de la question mais surtout par la qualité des témoignages sur des expériences précédentes, aussi bien en Algérie, qu'en Polynésie ou au Japon... «Les responsables des essais nucléaires menés au Sahara algérien doivent fournir toutes les données matérielles et théoriques sur ces essais pour mieux lutter contre leur impact», a déclaré le ministre des Moudjahidine, Mohamed Cherif Abbas, à l'ouverture des travaux de cette rencontre. M. Abbas a souligné que l'Algérie «rencontre des difficultés pratiques pour se débarrasser des séquelles de ces bombardements et ne pourrait, en l'état actuel des choses, lutter seule contre ce problème ni réaliser des projets de développement au niveau des régions touchées». Cette conférence «permettra d'ouvrir de nouvelles perspectives à même d'élargir l'intérêt accordé à la question pour tenter de trouver des solutions efficaces, courageuses et responsables utiles à l'analyse scientifique du phénomène», a-t-il précisé avant d'ajouter que l'Algérie est en mesure d'acquérir la technologie de décontamination de la radioactivité mais pas dans l'immédiat. Il interpellera, par ailleurs, l'Etat français sur la nécessité de rapatrier les archives liées à cette phase de la période coloniale. Le Pr Mostefa Khiati, président de la FOREM déplorera, à son tour, le peu de données sur la question et dont les premières remontent à seulement 1996. Jusqu'en 1975 ce sont les médecins français, les coopérants cette fois-ci, qui ont continué à effectuer des prélèvements sur les malades et les résultats ont tous été envoyés en France. Certains d'entre eux ont même été envoyés en Israël, a-t-il assuré. «Les militaires français détenaient des dossiers médicaux sur toute la population de Reggane (Adrar) qui avait été recensée avant et après les essais, ajoute l'intervenant qui note que pour le site de Reggane 6 500 soldats français et 3 500 travailleurs algériens ont été mobilisés alors que pour celui de In Ekker a Tamanrasset, on avait dit aux Algériens qu'ils allaient creuser des mines d'or. L'intervenant a déploré, par ailleurs, le fait que les Algériens n'aient pas été destinataires des cartes d'enfouissement des déchets nucléaires, d'ou le grand danger de leur manipulation par les populations locales. Et de faire le parallèle avec l'impact de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, dont le nuage radioactif a atteint des régions de France, ce qui a sans doute été le même cas pour les populations algériennes qui résidaient près des sites où ont eu lieu les essais français. Au jour d'aujourd'hui, fait remarquer l'intervenant, il n'existe aucun programme sanitaire spécifique pour les populations exposées aux irradiations et point d'étude sur la contamination possible d'autres régions alors qu'il incombe à la France de financer la prise en charge sanitaire des concernés. Car, précisera-t-il, depuis 1962, les coûts des soins médicaux des populations du Sud algérien ont dépassé le milliard d'euros. Chercheur en génie nucléaire, l'Algérien Mansouri Ammar est intervenu pour rappeler qu'au moment où la France célébrait le 13 février courant le 50e anniversaire de son accession au Club des puissances nucléaires militaires, l'Algérie commémorait dans la douleur le cinquantenaire des conséquences des ambitions françaises dans ce domaine. Les essais nucléaires de par le monde, notera-t-il, ont engendré la création de «binômes» Etats victimes-Etats pollueurs, à l'exemple de Etats-Unis-Japon, Royaume-Uni- Nouvelle-Zélande, Russie-Ukraine, France-Algérie et France-Polynésie. Alors que les autres puissances nucléaires ont lancé des programmes pour la prise en charge médicale et juridique des personnes irradiées, déplore-t-il, la France accuse un retard énorme dans ce domaine alors que «des éléments factuels démontrent qu'il y a eu des négligences graves en toute connaissance de cause».