Pas aussi spectaculaire et ne rassemblant que quelques milliers de personnes dans les capitales française, italienne et grecque, la journée du 1er mars choisie exprès pour marquer le cinquième anniversaire de l'entrée en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a néanmoins permis à l'opinion et aux médias européens de débattre des vrais conditions d'une population d'immigrés de plus en plus stigmatisée. Fatigués d'entendre le même refrain depuis des années, les immigrés en France ont donc décidé d'emboîter le pas aux latino-américains, qui avaient déclenché la première action du genre en 2006. «24 heures sans nous» un slogan provocateur pour certains et dont le message est clair : est-ce que l'Europe des blancs arrivera-t-elle à survivre sans nous ? Abandonnant l'idée du boycott économique, ces milliers d'immigrés (avec ou sans papiers) ont plutôt rappelé à l'ordre pacifiquement les Etats Schengen. Sans doute faudra attendre d'autres actions plus spectaculaires pour le vérifier mais déjà ce 1er mars aura marqué les esprits et surtout donné à réfléchir aux politiques de droite comme de gauche sur le naufrage de cette politique d'émigration choisie et même sur les calculs d'assimilation ou d'intégration des différentes communautés. En France peut-être plus qu'ailleurs, la discrimination envers les populations issues d'Afrique noire ou du Maghreb est visible. Le débat sur l'identité nationale du ministre Eric Besson avec son message à peine dissimulé «Aimez la France ou quittez la» faisant un clin d'œil à l'extrême-droite, est à bout de souffle. Cette France sarkozienne qui tente tant bien que mal de soigner son image, est aussi le pays de tous les amalgames. Connus pour leur délire et leur paranoïa, les médias comme les politiques ont enchaîné débat après débat, donnant l'impression aux Français que tous leurs maux (chômage, crise économique et discrimination) trouveraient leur origine dans l'Islam(isme). Comme pour cacher la vérité sur les vrais problèmes, on crée de toutes pièces des faux à l'américaine pour divertir le peuple. Ainsi, les Bernard Henry Lévy et autres champions du tapage médiatique font peur avec leurs théories qui mettent en garde contre tout ce qui est arabe ou musulman. Fini le temps où Le Pen menait tout seul la valse contre l'émigration, aujourd'hui ils sont nombreux à partager les mêmes idées de l'ancien para de la guerre d'Algérie. Le dernier épisode de cette saga aliénée a été le débat sur le voile intégral. Moins de mille femmes le portent en France, à peine visibles dans les rues de Paris ou de Lyon, cela n'empêchera pas des hommes politiques, des philosophes ou même des people d'en faire un peu trop, incriminant du coup tous les cinq millions de musulmans qui vivent en France. Ces derniers dont une bonne partie est née en France et donc qui paye ses impôts, continuent de se faire appeler fils d'immigrés, franco-x, ou français d'origine x. Déboussolés par les clichés et surtout surveillés à chaque faux pas, on n'hésite pas à leur tirer sur la jambe. Le Pen encore lui en pleine campagne régionale annonce son énième provocation, le drapeau algérien sur la carte de France, avec comme message l'Islam on n'en veut pas. Comme il fallait s'y attendre, pas de réaction de la part des officiels et pas non plus l'ombre d'une polémique, au nom de la liberté d'expression le message électoral passera tranquillement. C'est vrai que Le Pen et ceux qui pensent comme lui ne supportent plus de voir des Algériens ou des Franco-Algériens sortir défiler dans les Champs-Élysées ou dans le vieux port de Marseille à chaque fois que l'équipe nationale de football algérienne gagne un match : quelques incidents sans gravité et on accuse toute cette population d'être violente et d'être anti-républicaine. Si une partie de ces «banlieusards» ne connaît pas les paroles de la Marseillaise, rien ne permet de dire qu'elle hait sa patrie. Longtemps bannie de la scène médiatique et artistique, cette population a réussi à sortir des banlieues pour s'imposer sûrement mais difficilement dans tous les domaines et à commencer par le sport et l'art. Après Zizou et la Coupe du monde 1998, le succès de Djamel Debbouze ou des groupes de rap, voilà qu'en plein milieu de ce chahut sur l'identité nationale, la plus grande distinction du septième art en France, les Césars, vient de récompenser deux acteurs d'origine algérienne : Isabelle Adjani meilleure actrice pour la cinquième fois en Césars (un record), et de Tahar Rahim un jeune acteur inconnu hier qui obtient le prix du meilleur acteur masculin pour son premier grand film «le Prophète». Dans de telles circonstances, les médias et les politiques saluent bien évidemment la performance et aussi l‘intégration de ces acteurs et artistes, mais alors combien faudra-t-il encore d'acteurs, de chanteurs, de footballeurs ou d'hommes politiques issus de la deuxième ou de la troisième génération d'immigrés pour qu'enfin la France décide de franciser tous ses enfants ?