Pour fêter son douzième anniversaire, l'association Lumières, œuvrant dans le secteur cinématographique, a rendu un vibrant hommage à la plus grande dame du cinéma algérien, Adjouri Aïcha, plus connue sous le célèbre nom de Keltoum. En l'absence de la concernée, due à quelques soucis de santé mais aussi à un âge assez avancé, 94 ans, mais représentée par son fils Sid Ali, de nombreux et célèbres cinéastes, comédiens et autres personnalités du monde artistique ont tenu à prendre part à cette louable initiative signée Amar Laskri, le grand cinéaste, président de lumières. Du haut de la scène, le réalisateur de «Patrouille à l'est» a fait l'éloge de cette grande comédienne qu'il qualifie «de symbole et de symbolique». Comme il fallait y attendre, M. Laskri a sévèrement critiqué l'état actuel du cinéma algérien, en tirant à boulet rouges sur la politique des pouvoirs publics, mais aussi en interpellant, en plus des élus de la nation et les partis politiques, son «ami» et «frère d'armes» qu'est le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, sur lequel compte beaucoup pour la reprise en main du secteur. Par ailleurs, un émouvant film documentaire a été projeté mettant en scène de nombreux cinéastes qui ont eu à travailler avec Keltoum, à commencer par Mohamed Lakhdar Hamina, Slim Riad, Nouria, Farida Saboundji, Sid Ali Kouiret,… Pour la petite biographie, mise en ligne sur Internet il s'agit d'une grande figure du théâtre et de cinéma. Dès son très jeune âge, elle avait été attirée par la danse et le théâtre. A plusieurs reprises, étant enfant, elle s'était sauvée de chez ses parents pour aller voir et suivre des acteurs et danseurs ambulants. C'est Mahieddine Bachtarzi qui la découvrit à Blida, en 1935, et lui offrit sa chance et, en dépit des préjugés de sa famille, Keltoum ne la laissa point échapper. Elle devait ensuite créer de nombreuses pièces, soit aux côtés de Bachtarzi, soit avec Rachid Ksentini ou Habib Réda. L'aventure de la première saison arabe de l'Opéra d'Alger eut lieu en 1947. Depuis, c'est à Keltoum que furent confiés les principaux rôles féminins, qu'il s'agisse de comédie ou de tragédie. La radiodiffusion en langue arabe la compta parmi ses pensionnaires les plus écoutés. Le cinéma ne pouvait manquer de l'attirer. Elle y fit ses débuts dans «La Septième porte» Svoboda. En 1956, elle arrêta ses activités artistiques et ne reprit, qu'en 1963 avec le TNA jusqu'à sa retraite. Son vrai premier rôle, elle le joua dans la pièce de Bachtarzi, «Mariage par téléphone», en compagnie de Rachid Ksentini. Elle joua tout à fait par hasard dans un film allemand, en 1945, mais sa carrière cinématographique ne commencera que vingt ans plus tard, en 1966, avec «Le vent des Aurès» de Mohammed Lakhdar-Hamina dans lequel elle tient magistralement le rôle d'une mère qui cherche désespérément son fils raflé par l'armée française pendant la guerre. Joua dans plus de soixante-dix pièces de théâtre et dans au moins une vingtaine de films, enregistra cinq disques avant 1962 (Ya ouled El Ourbane, Ahd Thnine, etc.), elle arrêta de chanter après la naissance de son enfant en 1954.) Depuis 1981, elle n'a pas eu la possibilité de camper un rôle et quand, en 1987, Fawzia Aït El· Hadj l'appelle pour jouer dans « La mort d'un commis voyageur», huit jours avant la «généraIe» de la pièce, on lui signifia sa mise à la retraite. Elle fut choquée par cette décision, elle qui croyait encore être pleine de ressources et rappelait à juste titre qu'elle ne vécut avec sa famille que 13 ans alors qu'elle avait passé 50 ans dans le théâtre. Elle fit une dernière apparition aux côtés de Rouiched dans «El Bouwaboune» (1991).