Le dessin de presse reste une conquête de ces dernières années où il s'est libéré de la bande dessinée. Il s'est imposé comme un genre (une rubrique ?) autonome. Bien avant Dilem, Le Hic, Djamel Noun et les autres, les Algériens raffolaient déjà des dessins de Slim, de son vrai nom Merabtène. Il faisait, il y a une trentaine d'années, les beaux jours d'Algérie Actualité avant de passer à Révaf. Sa page hebdomadaire était la première qu'on consultait pour rire et réfléchir sur nos travers. Il tendait un miroir à chacun. D'un trait, il savait résumer une situation, dénoncer un état de fait qui allait contre la logique et le bon sens. La cherté de la vie, les passe-droits ou les dédales de la bureaucratie, la censure à la télévision… nul mieux que Slim n'avait le pouvoir et le savoir d'en rire. A défaut d'en pleurer, le lecteur se vengeait. Ses héros, Zina, El Gatt ou Ameziane étaient authentiques par les costumes et la saveur du langage populaire. Slim et Haroun, dans la dernière page d'Echaab, traquaient la bêtise, dévoilaient ce qu'on cherchait à cacher en ces temps où la presse s'ornait d'œillères. On n'osait pas encore représenter le personnel politique mais la critique dans un système fermé qui se gargarisait à longueur de colonnes de ses succès était une bouffée d'air frais. Qui se souvient encore des aventures de Zembrek, un martien tombé sur la planète Algérie et dont la recherche d'une pièce sera un véritable parcours du combattant ? Ses tribulations montraient la pénurie chronique, le vol et les trafics. En un mot l'envers du décor. Emballé dans l'humour, le message passait mieux que toute analyse savante. C'est peut- être exagéré mais Slim était, à sa manière, un des meilleurs sociologues du pays. Lire ses albums est une plongée dans la société de l'époque avec ses rêves, ses illusions et ses folies. Le dessin de presse reste toutefois une conquête de ces dernières années où il s'est libéré de la bande dessinée. Il s'est imposé comme un genre (une rubrique ?) autonome. Le dessinateur n'est plus seulement là pour accompagner l'article du journaliste. Il offre sa propre lecture de l'actualité. Presque aucun quotidien ne peut se passer d'un dessinateur. Le Dilem de Liberté ou Ayoub dans El Khabar attirent plus la curiosité plus que tout le reste. Trop souvent, les dessinateurs sont plus connus et admirés que le reste de la rédaction. Personne ne peut occuper l'espace qui leur est chaque jour réservé. Lors des grands événements, ils font désormais concurrence aux photographes délogés de la une. Qu'on aime ou qu'on n'aime pas, on ne peut rester indifférent. Qu'on se dilate la rate ou qu'on grince des dents. On regarde d'abord les deux cadres familiers. Le dessin de presse est l'ultime refuge de la saine impertinence dans une société. Un dessin de presse peut être plus direct, plus expressif que la meilleure des analyses, faire sentir une urgence, pousser à l'interrogation. Le dessin est aussi une technique qui allie le trait et le mot. Un dessin vaut aussi par sa légende ou sa bulle. Le talent du dessinateur n'est pas seulement de dessiner mais de faire parler aussi ses personnages. Chacun a son style, reconnaissable. On n'a pas besoin de la signature pour reconnaitre l'auteur. A l'heure où la presse algérienne se lamente sur son sort, le dessin de presse préserve encore sa vocation.