Bush et Rumsfeld pensent qu'il est temps de se retirer de la Mésopotamie. Dans un nouveau développement, pour le moins inattendu, de sa présence en Irak, Washington estime qu'«il est désormais possible de négocier avec la résistance irakienne», mais en excluant les groupes radicaux du genre preneurs d'otages ou ceux proches d'Abou Mossaab Al Zarkaoui. Washington estime qui 'il n'est pas possible de «reconstruire l'Irak avec une fracture entre Chiites et Sunnites», principaux meneurs de la guérilla. Englués dans le bourbier irakien, les Etats-Unis sont contraints de repenser leur déploiement militaire en Irak. En fait, les «faucons de la Maison-Blanche» sont entrés dans un cycle de remises en cause, et le pays tout entier est traversé par un vaste débat sur la stratégie américaine en Irak depuis plusieurs semaines. Le président George W.Bush a prononcé hier un discours redéfinissant «La stratégie nationale pour une victoire en Irak» à l'académie navale d'Annapolis. Jusqu'à présent, George W.Bush a résisté contre vents et marées à toutes les demandes de calendrier de retrait. Sa cote de popularité est tombée au plus bas dans les sondages et l'opinion publique met en doute le bien-fondé même de l'invasion de l'Irak en mars 2003, en demandant le rapatriement des quelque 160.000 soldats américains déployés dans ce pays. Lors de sa récente tournée en Asie, le président avait déclaré que fixer une date pour le départ «serait la garantie d'une catastrophe» pour provoquer une guerre civile entre sunnites, chiites et kurdes, et donner aux insurgés le contrôle du pays. «Au fur et à mesure que les Irakiens se dresseront, nous nous retirerons», répète dans ses discours George W.Bush pour signaler que tout retrait des forces américaines dépend d'abord de l'avancée de la formation de l'armée irakienne et de son autonomie au combat. Lundi, le Pentagone a affirmé que le nombre de militaires américains en Irak allait probablement être réduit à quelque 140.000 après l'élection du 15 décembre en Irak. Il a aussi souligné qu'il y avait un «consensus croissant» sur le fait que des réductions supplémentaires étaient possibles. Mais le président Bush n'a jamais donné aucun chiffre et encore moins de date. La Maison-Blanche avait publié auparavant un communiqué dans lequel elle jugeait une proposition du sénateur démocrate Joseph Biden de retirer d'Irak 50.000 soldats américains l'an prochain «remarquablement similaire» à son propre «plan pour la victoire». L'enjeu du débat irakien vis-à-vis de l'opinion publique américaine se situe en novembre 2006, date des prochaines élections législatives et d'un renouvellement partiel du Sénat. Après avoir passé la barre des 2100 soldats américains morts en Irak, les mots «Vietnam» et «bourbier» reviennent sans cesse dans les colonnes des commentateurs et émaillent le débat politique. «Tout retrait des troupes sur le terrain sera accompagné d'une augmentation des attaques aériennes», a prédit de son côté Seymour Hersh, journaliste spécialiste du conflit irakien au sein de l'hebdomadaire New Yorker et grand pourfendeur des autorités américaines dans les médias. Dans tout ce qui semble être un retour au bon sens de la part des Américains, il faut plutôt voir une «stratégie à la française», selon les plus avertis en matière de gestion des crises. Les Américains, en entamant des alliances soudaines avec leur ennemi de vingt-cinq ans, l'Iran, espèrent laisser la gestion du «bourbier irakien» à Téhéran qui s'y cassera les dents en moins d'une année. On appelle dans le jargon militaire «stratégie à la française» l'action d'entraîner un autre pays dans une guerre perdue d'avance en la quittant subrepticement. C'est la France qui commencé ce genre de procédés avec la guerre d'Indochine en entraînant les Etats-Unis dans cette guerre. C'est donc dans ce contexte que le président américain George W.Bush et son secrétaire d'Etat à la Défense Donald Rumsfeld ont tous deux réaffirmé il y a trois jours , dans des déclarations séparées, que les troupes américaines ne quitteraient pas l'Irak avant d'avoir obtenu «une victoire totale». Cette victoire finale est un euphémisme qui signifie que les Etats-Unis ne quitteront pas Baghdad la tête basse. Lors d'une tournée au Texas, M.Bush a estimé que ce serait «une terrible erreur» de retirer les forces américaines d'Irak et que le niveau des troupes américaines dans ce pays serait basé sur la capacité des troupes irakiennes à lutter contre l'insurrection. «Je veux vaincre les terroristes. Et je veux que nos troupes reviennent au pays», a dit M. Bush. «Mais je ne veux pas qu'elles reviennent sans avoir obtenu la victoire. Nous avons une stratégie pour la victoire». Ces propos ont été corroborés par ceux de M.Rumsfeld, qui a déclaré lors d'une conférence de presse au Pentagone à Washington que «abandonner la guerre» permettrait aux insurgés de l'emporter et exposerait les insurgés «à un plus grand risque encore». M.Rumsfeld a également fait état d'indicateurs de progrès militaire en Irak, y compris le transfert de 29 bases militaires américaines aux forces irakiennes, et le nombre croissant de quartiers généraux et de bataillons opérationnels dans l'armée irakienne. Cependant toutes ces actions sont démenties par les tractations secrètes qui sont déjà menées en Irak pour négocier avec les «insurgés», synonyme d'une non-victoire au bout de deux ans de guerre en Irak.