Difficile de tracer une ligne pour savoir où s'arrêtent les unes et où commencent les autres. On peut toujours déplorer les exces. Pétrarque au 14eme siecle, tout pétri d'humanisme qu'il était définissait déjà ces champs d'affrontements comme «une arène poussiéreuse et bruissante d'injures». Les pamphlétaires venimeux ne sont que l'écume d'un mouvement de fond qui ne retient que l'essentiel . Quelle société peut pourtant désormais faire l'économie des batailles de la plume ou de la parole qui remettent à l'honneur la pensée qui, seule, balise l'avancée. Un journal ou un magazine d'information ne remplit pas seulement les fonctions traditionnelles d'informer, d'instruire et de distraire. C'est aussi une tribune pour l'expression des opinions qui font la richesse, la variété et surtout la vitalité d'une société. Le «J'accuse » de Zola est paru d'abord dans l'Aurore et les rédactions ouvertes aux créateurs ont toujours cessé d'être de simples relais de l'information brute pour devenir aussi des espaces ou se débattent les problèmes de la société. Les signatures de personnalités sont une marque de crédibilité pour certaine publications qui offrent un large espace à des plumes qui ne font pas partie de la rédaction. Des noms qui croit-on suffisent à attirer le lectorat. Force est de constater que les colonnes de nos journaux servent rarement d'arènes aux batailles d'idées. On n'a pas encore connu un débat de l'ampleur et de la richesse de celui qu'abrita Révolution Africaine des Novembre et Décembre 1963. Il suffit de décliner les noms de ceux qui alimentèrent cette polémique pour deviner son intérêt. Entamé avec une étude sur « l'avenir de la culture algérienne » de Lacheraf, les réactions furent celles de Harbi, Malek Haddad Bourboune, Boudia, Bachir Hadj Ali, Aujourd'hui notamment en langue française peu de publications consacrent des suppléments à la culture qui marquent le pas devant les préoccupations économiques. On n'a plus l'équivalent d'Echaab Ethaqafi ou d'El Moudjahid culturel tous désignés pour la confrontation intellectuelle. Le dernier débat d'ampleur fut celui suscité par une interview d'Abdelkader Djeghloul sur les intellectuels dans Algérie Actualité à partir de Janvier 1982. A la fin des années 80 un jeune journaliste, Bakhti Benaouda dirigea un supplément de qualité dans le quotidien El Djoumhouria et Horizons se distinguait par Horizons de l'édition. On se rappelle aussi de cette joute qui mit aux prises en 1986 l'historien Kaddache et Mouloud Kassapa à propos de la présence turque en Algérie. Il n'y avait pas que les seuls exploits sportifs pour fidéliser et intéresser alors le lecteur. Il serait injuste de jeter la pierre aux seuls intellectuels. Beaucoup se sont certes exilés ou furent assassinés. D'autres continuent à écrire, à alimenter les pages débats de quelques journaux. A la place de débats qui font jaillir la lumière, nous assistons davantage à des polémiques . Si le débat public trouve aussi son intérêt dans le développement d'arguments diamétralement opposés voire dans les répliques assassines, les considérations subjectives doivent moins marquer les attitudes et les propos. Les débats dépouillés de leurs règles de courtoisie et d'écoute mutuelle ne doivent pas dériver vers les procès d'intention et les règlements de compte. Ces dernières années beaucoup de titres selont aussi hélas prêtés à cette dérive.