Arrivée n On loue une voiture pour rentrer. Le couple vit dans un quartier peuplé d'immigrés, tous originaires de Norvège. En ce mois de mai 1881, le bateau qui accoste Chicago lance un long sifflement. Les passagers sortent aussitôt de leurs cabines et envahissent le bastingage. — welcome to America ! Celui qui a parlé est un immigrant norvégien. Ce sont sans doute les premiers mots d'anglais qu'il a appris, mais tout le monde le comprend. — welcome to America ! Brynhild Paulsdatter Storset a vingt et un ans. Elle vient de Selbu, un village près de Trondheim, en Norvège. En principe elle n'émigre pas, mais elle vient rendre visite à sa sœur qui, elle, s'est installée à Chicago. Sur le quai, elle aperçoit sa sœur Anna et son époux. Le couple l'a également vue et lui fait des signes de la main. — ohé, Brynhild ! Elle se jette dans les bras de sa sœur. — il y a si longtemps que tu es partie ! — et moi, je voulais que tu me rejoignes ! On loue une voiture pour rentrer. Le couple vit dans un quartier peuplé d'immigrés, tous originaires de Norvège. — ici, on est chez nous… Tous les habitants, tous les commerçants sont Norvégiens… Pas besoin de parler anglais, on parle tous norvégien ! La jeune femme est ravie. Chicago lui paraît gigantesque et surtout riche. Elle qui vient d'un milieu pauvre est presque abasourdie par cette facilité à gagner sa vie. — ici, lui dit-on, tu peux même devenir Président, à condition d'être débrouillarde ! Brynhild voit passer devant elle la vie qu'elle a menée jusque-là. Sa famille, trop nombreuse, n'a jamais réussi à s'en sortir. Son père a multiplié les entreprises, mais toutes ont échoué. Sa sœur aînée a préféré partir, et, maintenant, à son tour, elle se laisse gagner par le rêve américain. — et si tu restais ? lui demande sa sœur. — je ne sais pas encore. — en Norvège, tu ne trouveras que la misère… Tu te marieras, tu auras des enfants et tu passeras ton temps à chercher à les nourrir… tandis qu'ici… Brynhild répond, rêveuse. — ici, que ferais-je ? — tu te battras pour faire fortune ! — j'aurai besoin d'aide… — nous t'aiderons, la communauté t'aidera ! — je dois encore réfléchir. Elle prend le temps de réfléchir et finalement, elle se décide : — je reste ! (à suivre...)
