Anthropophagie Le cannibale de Rotenbourg a été blanchi, vendredi, du chef d'accusation de «meurtre par plaisir sexuel». Dans un procès qui a fait découvrir aux Allemands un monde insoupçonné de fantasmes humains se donnant libre cours via Internet, le parquet avait requis la détention à perpétuité, soit un minimum de quinze ans de prison. L'accusation estimait qu'Armin Meiwes, 42 ans, avait prémédité un «meurtre par plaisir sexuel» et «instrumentalisé» le consentement masochiste de l'ingénieur berlinois Bernd Brandes. Mais le tribunal a estimé que l'accord de la victime ne permettait pas de juger le crime selon les critères les plus sévères, sans pour autant suivre la défense qui plaidait un simple homicide «sur demande», passible d'un maximum de cinq ans de prison. Le parquet va faire appel. Ce procès de deux mois a plongé l'Allemagne dans une fascination horrifiée tout en s'aventurant sur un terrain juridique inédit, le cannibalisme n'étant pas explicitement prévu par le code pénal allemand. L'accusé s'est rendu coupable «d'un comportement rejeté par notre société, en l'occurrence le fait de tuer et de dépecer un être humain» pour le manger, a souligné le juge Volker Muetze, dans une salle comble assiégée par des journalistes du monde entier. Selon son avocat, Armin Meiwes est «heureux» de ne pas avoir été «considéré comme coupable d'un meurtre avec préméditation. Il ne voulait pas être un assassin et cela a été confirmé par le tribunal», a déclaré Harald Ermel qui a jugé le procès «équitable». S'il obtient une libération anticipée pour bonne conduite ? «c'est un détenu modèle», selon son avocat ? Armin Meiwes pourrait être libre d'ici à la mi-2008. L'informaticien au sourire affable et au front dégarni ne sera pas interné en psychiatrie, deux expertises l'ayant considéré «pleinement responsable» de ses actes. Il va néanmoins suivre une psychothérapie. L'affaire avait éclaté lors d'une perquisition en décembre 2002 à la suite d'une dénonciation : Meiwes était à la recherche d'une nouvelle victime sur Internet. Dans la grande maison à Colombages de Rotenbourg, 15 000 habitants, où il vivait seul depuis la mort de sa mère en 1999, la police a découvert quatre sachets de viande humaine congelée. La tête et les os étaient enfouis dans le jardin et le crime, qui remontait à mars 2001, documenté sur des cassettes vidéo. Bernd Brandes voulait, selon le tribunal dans ses attendus, «éprouver l'excitation ultime» avant la mort, lorsqu'il a demandé à son «boucher» de lui couper le pénis et de le manger avec lui. Il avait pris un aller-simple en train et rédigé son testament. Selon les expertises, il souffrait de pulsions masochistes liées à un sentiment de culpabilité qui remonterait à la mort de sa mère lorsqu'il avait cinq ans, un sujet resté tabou dans la famille.