Résumé de la 12e partie n Comme dans la première version du récit, l'enfant immolé et mangé par les bénévoles s'est transformé en oiseau et a dénoncé sa mère. Le conte que nous avons donné dans ses deux versions kabyles est connu dans de nombreuses régions d'Algérie. On le retrouve aussi, comme nous l'avons déjà signalé, dans de nombreuses autres régions du monde. Dans leur grand catalogue universel des contes, Aarne et Thompson signalent que ce type de conte se retrouve un peu partout, il signale plusieurs versions en Allemagne, en France, en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Finlande, en Roumanie, en Scandinavie et dans bien d'autres pays. Depuis on a ajouté d'autres versions, notamment une version kurde où la mère qui égorge son fils est châtiée et une version égyptienne où l'auteur de l'infanticide et de l'acte anthropophage n'est pas la mère, mais la marâtre. La version la plus connue de ce récit, qui semble être un mythe universel, est celle que rapporte l'écrivain allemand bien connu, Johann Wolfgang von Goethe (1749-1830) dans son célèbre Faust. L'un des personnages de l'œuvre, Marguerite, une criminelle devenue folle, s'est mise à chanter le chant du petit garçon, tué par sa mère : «C'est ma p... de mère qui m'a tué ! C'est mon coquin de père qui m'a mangé ! Ma petite sœur A recueilli mes os Dans un endroit frais, Où je suis devenu un bel oiseau des forêts, Je vole, je vole !» On sait, par sa correspondance avec Sophie von la Roche, que Goethe connaissait ce conte dans son enfance et qu'il l'a beaucoup marqué. On aura remarqué que la chanson du texte berbère que nous avons donné présente moins de ressentiment que le texte allemand où la mère et le père sont insultés. Bien plus, il y a dans le texte berbère une motivation qui peut paraître «noble» puisqu'il s'agit de ne pas déroger à la règle de l'hospitalité qui exige que l'on serve un repas particulier à ses hôtes. Il est vrai que cette motivation est quelque peu diminuée par la gloutonnerie de la mère qui a sacrifié également son fils par peur du châtiment. Elle ne subira pas le châtiment, à la demande même du fils sacrifié, qui ne veut pas provoquer de second drame dans sa famille : la mise à mort de sa mère, ce qui aurait fait de sa sœur une orpheline. Ces récits, aussi bien le récit algérien que les autres, sont-ils révélateurs de pratiques cannibales anciennes chez les peuples de l'Ancien monde ? Dans le conte kabyle, on sait que le père n'était pas au courant du sacrifice et que les ouvriers bénévoles ont mangé la chair du petit garçon sans se rendre compte qu'il s'agissait de chair humaine. Dans les autres traditions, il y a souvent, dans la chanson de l'enfant sacrifié, du ressentiment. Mais il faut croire qu'à des époques archaïques, le cannibalisme a été pratiqué. C'est ce que nous essayerons de montrer dans les prochains articles. (à suivre...)