Dans la conception des onirocritiques musulmans, tous les rêves ne sont pas susceptibles d'une interprétation. Beaucoup, pensent-ils, n'ont pas de signification profonde et s'évaporent peu après le réveil. Les rêves dignes d'intérêt, ceux qui demandent donc à être interprétés, sont ceux qui laissent une impression profonde sur le rêveur et se fixent dans sa mémoire. Les auteurs musulmans pensent que la pensée du dormeur utilise les images du monde réel et les présente comme si elles étaient toujours soumises à l'emprise des sens. Ce «travail de la pensée» donne aux images du rêve tout leur réalisme, mais l'ordre dans lequel elles se déroulent n'est pas toujours celui de la réalité. «C'est ainsi, écrit al Masoudî, que l'homme se voit voler en songe quoiqu'il ne possède pas en réalité la faculté de voler. Il ne voit réellement que la forme du vol, abstraction faite de tout sujet, telle qu'il la connaît quand elle ne s'exécute pas sous ses yeux, mais sa pensée concentrée sur cette opération prend assez de force pour la lui rendre réellement sensible.» Si l'analyse du rêve est confiée à un interprète c'est parce que justement le rêve comporte souvent ce genre d'éléments illogiques ou alors des situations confuses, difficiles à démêler. Le sens du rêve est cherché, non pas comme chez les psychanalystes dans le psychisme du rêveur, mais dans un système de symboles, établi à l'avance.