Un homme avait un garçon et une fille ; leur mère mourut ; le père prit une autre femme. Le petit garçon restait à l'école jusqu'au soir. Le maître leur demandait : «Que font vos sœurs ? L'un répondait : «Elle prépare le pain» ; un second : «Elle va chercher de l'eau» ; un troisième : «Elle prépare le couscous.» Quand il interrogeait H'ab Sliman, l'enfant faisait le sourd et son maître le frappait. Un jour sa sœur lui dit : «Qu'as-tu donc, ô mon frère ? tu me parais triste.» - «Notre maître nous frappe», répondit l'enfant. «Et pourquoi vous frappe-t-il ?», reprit la jeune fille. L'enfant repartit : «Après avoir étudié jusqu'au soir, il nous demande à chacun ce que fait notre sœur. On lui répond : «Elle pétrit, elle va chercher de l'eau, elle prépare le couscous ; quand il m'interroge, je fais le sourd, et il me frappe. «Ce n'est que pour cela ?» - «Rien que pour cela.» «Eh bien», ajouta la jeune fille, réponds-lui : «Voici ce que fait ma sœur : quand elle rit, le soleil brille ; quand elle pleure il pleut ; quand elle se peigne, il tombe des gigots ; quand elle passe d'un endroit à un autre, il tombe des roses.» L'enfant donna cette réponse : «Vraiment, se dit le maître, c'est un riche parti.» Peu de jours après, il l'épousait, et on fit les préparatifs du départ pour la maison du fiancé. La marâtre de la jeune fille lui fit un petit pain salé, celle-ci le mangea et demanda à boire à sa sœur, la fille de la marâtre. «Laisse-moi t'arracher un œil, et je te donnerai à boire, lui répondit sa sœur.» «Arrache-le, dit la fiancée, car nos gens sont déjà en route.» La fille de la marâtre lui donna à boire et lui arracha un œil. «Encore un peu,» demanda-t-elle. «Laisse-moi t'enlever l'autre œil,» répondit la cruelle femme. La jeune fille but, et se laissa enlever l'autre œil. A peine était-elle sortie de la maison, que la marâtre la jeta hors du chemin ; elle para sa propre fille et l'emmena à la place de l'aveugle. On arriva, «Peigne-toi,» lui dit-on, et il tomba des poux. «Marche,» et elle lâcha des vents. «Ris,» et ses dents de devant tombèrent. Tous de s'écrier : «Pendez H'ab Sliman. On le pendit. Cependant des corbeaux vinrent à voler près de la jeune aveugle et lui dirent : «Des marchands sont sur le point de passer par ici, tu leur demanderas un peu de laine, et nous te rendrons la vue.» Les marchands passèrent et l'aveugle leur demanda un peu de laine ; chacun d'eux lui jeta une toison. Les corbeaux descendirent près d'elle et lui rendirent la vue. «En quoi te changerons-nous ?», lui dirent-ils. «Changez-moi en pigeon», répondit-elle.Les corbeaux lui plantèrent une aiguille dans la tête, et elle fut changée en pigeon. Elle prit son vol vers la maison du maître d'école, et se percha sur un arbre du voisinage. Les gens allaient semer du froment : «Ô maître du champ, dit-elle, H'ab Sliman est-il encore pendu ?» Elle se mit à pleurer, et la pluie tomba jusqu'à la fin du travail. (à suivre...)