Du Maghreb à la Chine, en passant par l'Egypte, la Syrie et la Turquie, nombreuses sont les communautés qui revendiquent celui qu'on nomme soit Djeha, soit Nasreddin Hoja, soit Goha ou encore Goha, Ch'ha…. Partout, tout le monde le connaît. Ses anecdotes auraient été publiées pour la première fois en turc vers la fin du XVe siècle, elles sont inspirées des facéties arabes d'un certain Djeha, qui aurait vécu au 1Xe siècle. Par ailleurs, on y retrouve des influences indiennes, persanes, voire grecques. Parfois, on ne les raconte même pas, on se contente souvent du titre qui fonctionne comme une sorte de proverbe. Ainsi parle-t-on, pour décrire certaines situations, du « clou de Djeha », de « scier la branche sur laquelle on est assis », de « prêcher le faux pour savoir le vrai »… La tradition veut qu'il soit un lettré de l'époque de Haroun Al Raschid ou qu'il ait vécu à la cour de Khawarizmi vers la fin du XIIe siècle. Ses histoires semblent dater de cette époque. Toutefois, si on en croit le récit de ses rencontres avec le sultan Tamerlan (Timour Lang), il aurait vécu à la fin du XIVe et au début du XVe siècle. Enfin, il pourrait être contemporain du Seldjoukide Ala-Al-Din (XIIIe siècle). Le contenu des nombreuses anecdotes suggère que Djeha ait vécu en Asie mineure entre le XIe et le XIV siècle. C'est vers 1237 qu'il serait parti pour Ak Shehir (Anatolie occidentale), où il serait mort en 1284, comme en témoigne la présence de sa tombe sous le nom que lui donnent les turc, Nasr Eddin Hodja. D'autres disent qu'il a vécu à Koufa au sud de l'Irak, au VIIIe siècle. Il y en a même qui affirment que Djeha est enterré en Algérie et que les gens visitent sa tombe comme on honore celle d'un saint... on l'aurait su de toute évidence ! Il suffirait peut juste de dire que Djeha fait partie de notre mémoire collective. Un peu comme un doudou, il accompagne les êtres tout au long de leur vie. Tantôt idiot, tantôt sage, toujours facétieux, il nous fait toujours sinon rire, du moins sourire, par sa naïveté feinte ou son sens de l'absurde qui tourne en dérision l'arrogance, l'orgueil, la vanité et la bêtise des puissants et des riches aussi bien que des ignorants…qui s'ignorent.