Destin n «Mon père est tombé malade et, étant l'aîné de la famille, j'ai été contraint de travailler pour subvenir aux besoins de mes frères et sœurs». Réda, un jeune étudiant de 27 ans, a mis de côté ses études en post-graduation depuis trois ans. Il a eu son bac en 2001 et comme tous les bacheliers, il était heureux de l'avoir obtenu. «Ça a été un moment de joie indicible», se souvient-il huit ans après. «Je me suis inscrit en sciences politiques à l'université d'Alger. C'était mon premier choix», raconte-t-il avec beaucoup d'émotion. Sans être orienté et bien informé sur l'endroit où il devait suivre ses études, Réda ne savait pas que cet institut se trouvait à Alger, soit à plus de 100 kilomètres de son lieu de résidence. «Les premiers mois de mon accession à l'université ont été d'une difficulté extrême surtout quand j'ai découvert les conditions d'hébergement et de restauration déplorables», poursuit ce jeune étudiant. Pour son hébergement, il a été orienté vers la cité universitaire Taleb-Abderrahmane, sise à Ben Aknoun, sur les hauteurs d'Alger. Une cité qui abritait à l'époque près de six mille étudiants venant de plusieurs wilayas du pays. «Quand je suis entré pour la première fois dans la chambre qu'ont m'a affectée avec trois copains, j'ai été stupéfait de par son exiguïté. Sa superficie ne dépasse pas les 9m2», précise-t-il pour souligner les conditions pénibles qu'il a endurées. «Il y avait un manque cruel d'organisation au niveau du seul restaurant. Ce qui provoquait une anarchie permanente. Il y avait toujours des bagarres violentes entre les étudiants», raconte Réda pour qui le séjour dans la cité était «un cauchemar». «Plusieurs fois, j'ai fait la queue durant une heure ou plus sans avoir mon repas ! J'étais toujours contraint de manger à l'extérieur en dépensant en moyenne 200 DA par jour. C'est beaucoup pour un étudiant algérien», fait-il remarquer. Il affirme que l'argent de poche que lui donne sa famille n'est pas du tout suffisant, de même pour la bourse dérisoire de l'Etat. «Je recours donc à des amis pour faire face à des situations d'extrême urgence et dès que j'ai de l'argent, je rembourse mes dettes», explique-t-il encore. En dépit de cette situation, Réda a pu avoir sa licence sans perdre une seule année. Mieux encore, il a réussi au concours de magistère, ce qui lui ouvre des horizons encore meilleurs. Mais les difficultés financières, qui commencent à devenir plus pesantes, le poussent à abandonner ses études. Il révèle que pour un seul exposé de recherche, il dépense plus de 2 000 DA, représentant les frais de saisie et d'impression. «La plupart des enseignants n'acceptent pas les manuscrits. J'ai fini difficilement mon année théorique avec plus d'une année de retard», se rappelle-t-il en justifiant cet énorme retard par le fait qu'il était contraint d'aller travailler. «Avant que je ne termine mon année théorique, mon père est tombés malade, et étant l'aîné de la famille, je fus contraint de travailler pour subvenir aux besoins de mes frères et sœurs», explique-t-il. Une situation dramatique qui s'est répercutée négativement sur son cursus universitaire, puisqu'il n'a pas encore soutenu sa thèse de magistère. «Je ne regrette rien puisque je n'ai fait qu'accomplir un devoir familial. Mais pour ceux qui ont les moyens, je dirais les études d'abord, le travail ensuite», conseille Réda.