El-Biar L?homme que l?on juge aujourd?hui est un grand commerçant de bonne réputation qui a commis un meurtre ! Il prétend avoir agi en légitime défense. L?homme qui entre, en ce 3 février 2004, dans le box des accusés de la cour d?assises d?Alger, est un grand commerçant, un as du négoce. Sa comparution a attiré la grande foule venue assister au jugement de cet homme qui, voilà encore un an, faisait figure de roi. Quand le président ordonne à l?assistance de s?asseoir et que la porte de la salle se ferma, alors le silence revint. Saïd B. paraît calme. Que voit-il de la foule qui le dévore des yeux, cet homme brun au ventre bedonnant et aux traits tirés ? Rien ou presque, car son regard se tourne vers le président qui, déjà, l?apostrophe d?une voix sèche, presque dure : «Accusé, levez-vous. Votre nom ? ? Saïd B. ? Votre âge ? ? 47 ans. ? Profession ? ? Commerçant. ? Très bien vous pouvez vous rasseoir. Greffier, donnez lecture de l?acte d?accusation.» L?officier obéit et, à travers les phrases qui emplissent le prétoire, toute l?affaire renaît, à commencer par la rencontre de Saïd et Wassila, la femme qu?il a épousée en 1994. Dès que Saïd B. la voit dans l?une des entreprises qu?il dirigeait d?une main de fer, il tombe amoureux fou d?elle. A cette époque, le roi du marché, comme on l?appelait, a tout juste 37 ans ; il a derrière lui une très longue réputation et ses conquêtes se comptent par dizaines. Mais Wassila c?est différent, d?abord parce que pour conquérir cette petite femme fluette, aux grands yeux noirs, il lui faut du temps. Saïd ne rêve plus que d?elle. Pour l?épouser, il est prêt à tout, même à la pousser à abandonner son mari et à demander le divorce. Finalement, la jeune femme n?aura pas à le faire, car son époux fait une chute et se fracasse le crâne. Wassila ne restera veuve que les mois de la «îdda» avant d?épouser Saïd, en septembre 2002. Les affaires de Saïd B. sont florissantes, mais on ne peut pas en dire autant de sa vie privée. Bien sûr, Wassila lui a donné deux filles, mais elle ne s?occupe guère d?elles et encore moins de son époux. La jeune femme est tout le temps dehors, au marché comme elle dit. Au marché ? Saïd B. la croit, du moins au début, car un jour il reçoit un appel anonyme. «Tu es peut-être le patron, lui dit son interlocuteur, mais tu es surtout un cocu, ta femme te trompe avec ton comptable.» Quinze jours plus tard, les preuves formelles de l?amour extraconjugal de l?épouse sont apportées par l?un des proches de Saïd. Le 30 septembre, il décide de confondre lui-même les deux amants. Seulement, ce «constat», Saïd ne le fera pas seul. En effet, dans sa voiture, ont pris place Salim, son cousin, et Ahmed, un vieil ami. (à suivre...)