Alger Samedi 29 mai 2004. Le tribunal criminel rend son verdict sur une affaire d?homicide involontaire. Un procès long et pénible. La foule, venue nombreuse assister au procès, attend avec impatience le verdict. A combien d?années de prison sera condamné l?accusé ? Une question qui se lit dans tous les regards. Il est si compliqué de devoir condamner un accusé, lui-même victime ! Dans le box des accusés, le jeune Saïd B. scrute l?assistance avec une angoisse bouleversante au fur et à mesure que le procès avance. Il semble faire mille et un efforts afin d?articuler une phrase qu?il ne cesse d?ailleurs de ressasser : «Monsieur le président, je ne suis pas un criminel? Je voulais seulement me défendre. Je suis incapable de commettre un meurtre. Ces hommes se sont attaqués à moi dans le but de me voler mon cabas ! ? Et que contenait-il ? ? Des chaussettes que je venais d?acheter pour la somme de 25 000 DA. J?arrivais ce jour-là de Batna. ? Des chaussettes ? ? Oui, j?en fais le commerce. Pas assez fructueux, il est vrai, mais qui me permet de gagner dignement ma vie.» Les membres de la cour scrutent à leur tour le mis en cause. Il est vrai que Saïd n?a rien d?un assassin ! Frêle, l?allure désinvolte, on aurait dit un enfant angoissé qui recherche dans la salle le regard de soutien de sa maman? Les faits de cette affaire remontent à une suffocante journée d?août 2002, dans la localité côtière de Raïs Hamidou. Saïd, à peine arrivé de Batna, marche dans une ruelle en pressant le pas, son gros cabas en bandoulière. Trois malfrats le suivent depuis déjà quelques dizaines de minutes. Mais fatigué de son long voyage, le jeune homme ne les remarque pas. Ce n?est que lorsqu?ils arrivent à sa hauteur, qu?il comprend qu?il a affaire à de dangereux malfaiteurs. L?un d?eux, Azzedine C., lui serre le cou et tente de lui prendre son bagage des mains, mais Saïd n?est pas homme à se laisser faire. Aussi, se bat-il de toutes ses forces, s?empare d?un couteau, en assène plusieurs coups à son agresseur qui s?effondre sur le trottoir, pendant que les deux autres malfrats, effrayés, prennent la fuite? A son tour, Saïd prend la poudre d?escampette et se fond dans la foule. Quelque temps plus tard, alors qu?il prend une douche, il apprend qu?un jeune homme a été retrouvé mort, poignardé. Pris de panique, Saïd se rend au commissariat et évoque l?incident, sans omettre le moindre détail. «Vous comprenez, je ne suis pas un assassin, je voulais juste me défendre.» Le jour de l?audience, il répète cette même phrase comme pour se disculper? Mais le représentant du ministère public persiste : «Un crime est un crime. L?accusé a tué un homme et c?est là un fait grave. Aussi, je requiers la perpétuité à son encontre.» La défense, pour sa part, qui plaide la légitime défense, demande à ce que son client bénéficie de larges circonstances atténuantes. La cour se retire afin de délibérer et revient avec son verdict : Saïd B. est condamné à six ans de prison ferme pour homicide involontaire sur la personne de Azzedine C.