Allant sur ses 80 ans qui ne révèlent que désespoir et amertume, celle qui ne veut pas qu?on sache ni son nom ni d?où elle vient vit dans une grande frayeur depuis qu?elle a échappé à la mort. Elle a trouvé refuge, il y a de cela un an et demi, au foyer pour personnes âgées et handicapées de Dely Ibrahim et depuis, cette vieille dame, à qui les psychologues nous ont interdit l?accès de peur qu?elle fasse une autre dépression, a même refusé que l?on parle d?elle dans notre article alors que nous lui avons promis l?anonymat. Mais nous avons outrepassé sa volonté non pas pour faire «sensation» auprès de nos lecteurs, mais plutôt pour mettre à nu des réalités dures et tirer la sonnette d?alarme sur des situations dramatiques vécues par des personnes âgées qui se retrouvent, en fin de parcours, abusées, l?âme meurtrie. Mme «X» a été battue et harcelée par son propre fils, poussé par sa belle famille à commettre l?irréparable. Les psychologues n?en savent pas plus que ce peu d?informations qu?ils ont soutirées à une femme traumatisée qui n?arrive pas à croire qu?elle a échappé à son bourreau. Plus loin toujours dans la capitale, plus exactement au foyer de Bab Ezzouar, vit, depuis un an et demi, aâmi Mohamed qui cohabite avec une cinquantaine de personnes se trouvant dans sa situation. Célibataire à 54 ans, cet homme se dit satisfait d?avoir trouvé refuge dans ce centre où il est nourri, logé, blanchi et soigné. «C?est mieux que d?errer comme un chien à la recherche d?un abri», a-t-il remarqué, en précisant que sa longue vie de solitaire aurait pu prendre un autre chemin s?il avait eu les moyens de se stabiliser. « Une pièce-cuisine m?aurait largement suffi .» Cet enfant d?Hussein Dey, qui a grandi à El-Maqaria, a passé sa vie à faire de petits boulots qui suffisaient à peine à le nourrir et à l?habiller après que sa marâtre l?eut mis à la porte. L?idée de s?établir dans un petit logis, de s?entourer d?une femme et d?enfants l?a toujours bercé et continue de le hanter même s?il affirme y avoir renoncé. Sa demande de logement, enregistrée depuis 1999 aux services sociaux de l?APC d?El-Maqaria, est restée lettre morte. Pour Farouk, c?est une autre histoire, un autre parcours, mais la même souffrance et errance. Jusqu?à l?âge de 20 ans, il vivait une jeunesse normale, au sein d?une famille heureuse, sans se douter qu?un jour son existence allait basculer dans l?enfer. Après la mort de sa mère survenue à cette époque, le jeune homme est victime d?un fâcheux accident qui le cloue, à ce jour, à une chaise roulante. Devenu «encombrant» pour sa marâtre, le garçon est placé par son père dans un foyer pour personnes âgées et handicapées à Médéa puis transféré à Sidi Moussa (Alger) où il se retrouve seul jusqu?à ce jour. A la douleur de l?abandon et d?une jambe qui tarde à se rétablir, s?ajoute, pour Farouk, un autre poids, celui d?une infection rénale qui a dévoré un de ses reins et qui finira bientôt par achever le second. La dégradation de son état de santé nécessite une greffe de rein que nul n?est en mesure de lui offrir. Malgré sa bonne volonté ou celle de l?équipe de «Trait d?union» qui a tenté de porter son message de détresse sur les ondes de la Chaîne III, Farouk attend toujours qu?une âme charitable se manifeste, notamment celle de son père qu?il n?a plus revu depuis plusieurs années.