Challenge Les centres arrivent rarement à réussir le pari de la réintegration de pensionnaires dans leurs familles. Certains hommes vivent des états dépressifs dus à l?alcoolisme ou à la perversion. Ils sont pris en charge avec un traitement médical et un suivi psychologique. Le centre tente de les réintégrer dans leurs familles, mais rares sont les fois où il parvient à le faire. Le foyer de Bab Ezzouar a réussi à recaser 10 de ses pensionnaires en 2003, alors que celui des femmes de Dély Ibrahim n?a réussi qu?un seul placement. Cela explique l?état de détérioration psychologique dans lequel se trouvent les personnes abandonnées à leur arrivée au centre. «La rupture est très mal vécue par ces personnes». Le refus de leur situation d?abandon entraîne un refus, également, d?intégration dans le milieu du foyer. Certaines d?entre elles estiment que leur vie s?est arrêtée, allant jusqu?à souhaiter la mort. Leur état dépressif, dû à l?angoisse de la séparation et la frustration de ne pas pouvoir approcher ses enfants, vient s?ajouter au vécu «typique» de la personne âgée, rongée par l?angoisse de la mort. La mère délaissée exprime son angoisse de différentes manières : par les pleurs, le refus de manger, l?insomnie ou certaines attitudes agressives vis-à-vis des autres pensionnaires qui dénotent la grande détresse qu?elle vit. La catégorie des malades mentaux, majoritaires au niveau du centre, regroupe des personnes souffrant de psychoses et de crises maniaco-dépressives. Leur hyperémotivité leur cause des difficultés avec leurs femmes et enfants et les contraint à quitter le domicile familial pour chercher refuge dans les centres de vieillesse où ils trouvent stabilité et autonomie. La situation des handicapés moteurs est jugée la plus «défavorable» par les psychologues. Leurs difficultés financières et le manque de moyens sont l?une des raisons qui poussent leurs familles à les abandonner, certaines que leurs proches seront pris en charge tant sur le plan social que médical. Considéré comme inutile ou humiliant, un handicapé suscite l?incompréhension de son entourage. Le sentiment de rejet auquel il est confronté explique ses comportements, parfois contradictoires, qui expriment une immense frustration. Celle-ci se traduit par un repliement qui plonge la victime dans une profonde déprime qui peut aller, par moments, jusqu?à la dépression nerveuse. Aidés par les psychologues, les éducateurs préparent des programmes de loisirs et d?activités pour arracher les pensionnaires du foyer à leurs souffrances. Quelques-uns seulement adhèrent au programme alors que les autres préfèrent restés les bras croisés à ressasser leur malheur. «Nous tentons par tous les moyens possibles à les aider à surmonter leur détresse, mais lorsqu?ils refusent nous ne pouvons faire plus.»