Indifférence n La misère, la décennie noire et bien d'autres problèmes sociaux ont fait que pas mal de gens ne sont nullement préoccupés par l'Aïd. Si en général la communauté musulmane se prépare chaque année aux réjouissances de la fête de l'aïd el-fitr, de nombreuses familles algériennes ayant été frappées par une épreuve tragique se trouvent aujourd'hui complètement déconnectées de cette cérémonie. Halima mère de quatre enfants dira : «Bien que l'Aïd soit un moment d'allégresse et de recueillement spirituel, pour moi, il n'a pratiquement plus d'importance depuis que j'ai perdu mon mari et mon fils décédés à la suite d'une explosion, il y a quelques années. J'ai même perdu le goût de la vie. Ce jour du ramadan, il faisait très chaud, à 16h j'ai appris que les deux êtres que je chérissais le plus au monde étaient grièvement blessés, j'ai perdu mon fils dans mes bras, quant à mon mari je lui parlais alors qu'il rendait son dernier soupir, des victimes tombaient devant moi, partant dans d'atroces souffrances, ces images horribles sont restées à jamais gravées dans ma mémoire. A la veille de l'Aïd el-fitr, comme chaque année, je n'ai que des larmes à verser. Yamina, femme au foyer, victime d'une expulsion, témoigne : «J'ai été victime d'une injustice suite à mon expulsion du logement que j'occupais depuis plus de quarante ans à Birkhadem. Depuis je suis SDF avec ma famille composée de quatre personnes, et ce, depuis le troisième jour du ramadan. Je vis dans la rue, comment osez-vous me parler de la fête ? Et puis ce n'est pas tout, comment éviter que les enfants SDF qui vivent aujourd'hui sur les trottoirs en plein ramadan, ne tombent dans la délinquance ?» Pour sa part, Omar, la quarantaine, vivotant dans une baraque en plein cœur d'Alger raconte : «Je n'ai plus la tête à la fête, je peine à subvenir aux besoins de ma famille, je ne suis pas le seul Algérien bien sûr qui vit en dessous du seuil de pauvreté. Mes deux enfants sont obligés de naviguer, chacun à sa manière, pour faire rentrer un peu d'argent, ma femme participe également, elle vend de la galette qu'elle prépare tous les jours en ce mois sacré. Je vous cite l'exemple de Mourad, un de nos voisins qui vit seul avec sa mère. Cet orphelin fait des kilomètres à pied pour vendre des tas de produits afin de pouvoir survivre. Le jour de l'Aïd el-fitr, il va de porte en porte demander de l'aumône. Bien sûr, il y en a bien d'autres, ici et ailleurs, qui sont privés de la joie de l'Aïd el-fitr, surtout que la misère a frappé de plein fouet un bon nombre de familles algériennes.»