Photo : S. Zoheir Par Rachida Merkouche Awel Mouharam, une journée fériée, sans plus, pour bon nombre d'Algériens. Il est loin le temps où la population dans sa totalité célébrait avec faste le début de l'an hégirien, en sacrifiant un poulet de ferme et en préparant un repas de fête. C'était un rituel que l'on respectait et que l'on accomplissait avec joie. Que l'on ait été adulte ou enfant, on prenait plaisir à célébrer la nouvelle année du calendrier hégirien. Piété et réjouissance se mêlaient, et dans chaque région du pays, chacune selon les traditions qui la caractérisaient, les femmes donnaient libre cours à leur savoir-faire pour honorer cette journée. C'était l'occasion de préparer les mets traditionnels spécifiques à chacune de nos contrées, les plus renommés et les plus savoureux. C'était aussi l'occasion pour les familles démunies de manger à satiété, tout en honorant le Nouvel An musulman, notamment dans nos villages. Aujourd'hui, les choses ont changé. La célébration de Awel Mouharam connaît un recul et tend à disparaître. Les anciens semblent avoir emporté avec eux cette tradition, une fête religieuse dont ils sont nombreux maintenant, les Algériens, qui en ignorent le sens et l'importance. «Cette date ne représente rien de particulier si ce n'est une journée de plus dans l'année qui nous permet de nous reposer», affirme-t-on ici et là, notamment au sein des générations qui ont suivi et qui semblent hermétiques à tout ce qui est ancien. Aux yeux de celles-ci, les fêtes religieuses se résument à l'Aïd El Fitr, à l'Aïd El Adha et au Mawlid Ennabaoui, lequel ne peut passer inaperçu avec tout l'arsenal de pétards mis sur le marché bien avant la date prévue et les détonations qui marquent celles-ci. D'autres, bien qu'au fait du calendrier hégirien, tout en n'ignorant pas le commencement de la nouvelle année, passent à côté de sa célébration. Par indifférence ou par snobisme. Il y en a même qui, depuis quelques années, cèdent à cette mode qui veut que l'on célèbre Noël. Des sapins proposés à la vente dans certains commerces trouvent preneurs et ce n'est pas uniquement parmi les étrangers résidant dans notre pays. Ces commerçants s'accordent à dire que beaucoup de nos concitoyens achètent ces sapins. Certains ne s'en cachent pas et le clament d'ailleurs devant leurs amis et leurs voisins, alors que la célébration du Nouvel An grégorien est entrée dans les mœurs. Awel Mouharam est toutefois célébré par ceux-là qui tiennent à marquer cette fête religieuse. Le rituel du sacrifice du poulet de ferme a laissé place depuis longtemps à l'acquisition chez les vendeurs de volaille de ce poulet appelé communément «djadj triciti» et, pour beaucoup, le repas est plutôt frugal. Les temps sont à l'austérité et la hausse continuelle des prix a érodé le pouvoir d'achat du citoyen, ce qui fait que bien des familles doivent se contenter d'un morceau de volaille, histoire de marquer le coup et donner un peu de goût à un couscous ou une «rechta» sobre. Ce qui est rassurant, c'est que dans le pays profond, Awel Mouharam garde toute sa signification et donne toujours lieu à une célébration dans la pure tradition héritée des anciens.