Portrait n Gérard Rondeau, photographe français, expose au Centre culturel de son pays à Alger. Dans cet entretien, il nous parle de son rapport avec la photographie. InfoSoir : Comment sont nées vos photographies ? Gérard Rondeau : Elles sont nées de plusieurs travaux sur 25 ans de photographies. Quelques-unes sont extraites d'une série sur les musées, sur les coulisses des musées, une collection que j'ai montrée à Paris, il y a quelque temps. D'autres sont issues d'un long travail de portraits que j'ai fait pour le monde (des gens de culture, des artistes ou des écrivains de par le monde). D'autres photos sont issues de voyages, certaines autres de Sarajevo, ou d'autres lieux où se sont produites quelques tragédies. Qu'est-ce qui vous intéresse dans la photographie ? Tout m'intéresse. A savoir que la photographie peut tout utiliser. Ce que j'aime en revanche, c'est toujours faire un travail personnel, aborder la réalité comme j'essaie de la voir (et de l'avoir), et essayer de faire surtout des travaux à très long terme, sur une longue distance, sur plusieurs années. Travaillez-vous d'une manière réfléchie ou inspirée ? D'abord, je travaille en argentique, à la manière ancienne et, naturellement, il n'y a pas d'instantané sans réflexion, ni de réflexion sans instantané. Je dirai que la photographie c'est un tout, c'est un regard. Il y a forcément de la réflexion à la fois pour une photo, puis surtout sur un sujet. Je crois peu à l'instantané. Pourquoi travaillez-vous en argentique ? Parce que, à l'époque, il n'y avait que ça, et que je me sens mieux avec la photographie argentique dans le sens où c'est un choix. On ne sait ce que l'image va donner. On ne peut pas la vérifier. Et donc il y a des risques. Et je pense que quand il y a des risques, on s'implique davantage. On fait beaucoup plus attention. Pourquoi sont-elles en noir et blanc ? Parce que c'est ma manière de m'exprimer. Souvent dans la photographie de couleur, il y a beaucoup de séduction, et le noir et blanc me correspond bien. Peut-on qualifier vos photographies de chroniques ? Mes chroniques, c'est ma façon de raconter le temps, et ma vie est en planche contact. Tous les jours, il y a toujours une photo qui rappelle un lieu, quelqu'un que j'ai rencontré. Et c'est comme ça que les expositions et les livres naissent. Et donc c'est un peu les chroniques du temps qui passent, à la fois par des portraits et à la fois par d'autres photographies de voyage. La photographie est-elle une manière d'explorer le monde ? J'essaie de l'explorer et de le découvrir à la fois de très diverses manières. Mais vous savez, nous pouvons tous aller dans un même endroit et il y aura des regards différents. D'abord, l'aventure est toujours à côté de chez-nous et j'éprouve le même plaisir à découvrir au bout du monde – parce que j'aime beaucoup voyager – mais j'éprouve le même plaisir à prendre des chemins à côté de chez-moi et les suivre jusqu'au bout. Jusqu'à des endroits qui n'arrivent nulle part. Pour moi, c'est la même forme de voyage. l «Chroniques d'un portraitiste» est l'intitulé de l'exposition qui se tient au Centre culturel français. Chaque photographie exposée se présente comme une chronique d'un moment, d'un lieu. Réalisée en noir et blanc, et prise sur le vif, chacune met en scène une personne ou un décor urbain, ou bien une situation, voire une réalité – suivant les médecins du monde en Bosnie et au Kurdistan, le photographe saisit le moment et immortalise le lieu. Chaque photographie raconte un moment fort de l'Histoire. Chaque photographie se présente comme un épisode d'une vie, et une fois associées et agencées «elles nous livrent un vécu, pas forcément joyeux, pas forcément beau. Toutefois, la beauté réside dans la transmission et la manière de présenter». Les photographies de Gérard Rondeau se présentent comme un journal intime, un carnet de voyage.