Ouid-ja n Les deux femmes ont des tempéraments différents : alors que Curan est plutôt d'un caractère jovial et vif, Emily est assez réservée. Madame John H. Curan, épouse de l'ancien commissaire à l'immigration de Missouri, attend une amie, en ce mois de juillet 1913. L'amie en question, madame Emily Grant Hutchings est l'épouse du secrétaire de Tower Grove Park Baord. Elles se connaissent depuis de nombreuses années et elles ont pris l'habitude d'aller l'une chez l'autre, pour prendre le thé et discuter de choses et d'autres. John H. Curan n'est pas très instruite puisqu'on dit qu'elle a quitté l'école à l'âge de quatorze ans, mais elle est très curieuse et, sans doute au contact de son amie, elle s'intéresse à beaucoup de choses. Emily Grant Hutchkings, elle, est plutôt instruite, elle a même écrit des livres et c'est elle, au moment où les événements extraordinaires vont se produire, qui poussera Curan à mettre par écrit son histoire. Les deux femmes ont des tempéraments différents : alors que Curan est plutôt d'un caractère jovial et vif, Emily est assez réservée. Mais cela n'a pas beaucoup d'importance : les deux femmes s'apprécient et se plaisent quand elles sont ensemble. Elles discutent de tous les sujets en vogue et actuellement, aux Etats-Unis, le grand sujet est le spiritisme. Les sœurs Fox ont ouvert le champ et depuis, des dizaines de médiums se produisent, les séances se multiplient et des dizaines d'ouvrages sont publiés tous les ans. Curan accueille son amie avec chaleur puis elle lui apporte sans tarder l'objet qu'elle veut lui montrer. — C'est une planchette, dit Emily. — Tu connais ? — Oui, on l'appelle aussi ouid-ja. — Tu dois savoir aussi à quoi elle sert. — Oui ! — tu crois qu'on va pouvoir l'utiliser ? — certainement ! Elle pose l'objet sur la table. Il s'agit d'une planchette de bois rectangulaire, d'une largeur qui ne dépasse pas les 40 cm et qui fait environ 60 cm de long. On a inscrit sur la surface supérieure, en arc, les lettres de l'alphabet et, au-dessous, les chiffres de 1 à 10. On trouve encore sur les bords supérieurs de la planchette les mots «oui» et «non». La planchette est munie d'un levier, un «indicateur», qui a la forme d'un cœur : il se déplace, en glissant sur trois billes, indiquant ainsi les lettres qu'il faut épeler. La planchette est manipulée par deux personnes qui posent chacune un bout de bois sur l'indicateur. Il faut juste exercer une petite pression. L'indicateur peut ne pas bouger, mais il bouge souvent. Il faut alors surveiller ses mouvements, ou plutôt sa pointe et épeler les lettres qu'elle indique. Parfois, les suites ne forment pas de mots, parfois, il y a des mots mais qui ne forment pas de phrases, mais parfois ont obtient de vraies phrases. Des phrases qui étonnent, émerveillent ou font peur. En ce début du XXe siècle, on s'intéresse beaucoup au spiritisme et à l'écriture automatique. Celle-ci était pratiquée par des médiums, des personnages aux dons extrasensoriels, qui laissaient courir au hasard leur plume : ils pouvaient ainsi servir de moyen d'expression à des «esprits», notamment des morts. Le ouid-ja est utilisé de la même façon, mais avec cet instrument, on n'a pas besoin d'être un médium pour «communiquer» avec les esprits. (à suivre...)